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rapides ou de trains supplémentaires, quelque détriment qui en dût résulter pour le service public ou pour les finances ? Il serait puéril de parler ici du contrôle exercé par la presse et par le parlement. Où sont les députés qui blâmeraient et chercheraient à supprimer des abus dont ils seraient les premiers à profiter ? On peut juger de l’audace et de la puissance des appétits locaux par ce qui se passe en France pour les fournitures administratives. Il y a quelques mois, le ministre de l’intérieur, M. Waldeck-Rousseau, a été très vivement pris à partie par les journaux de Rennes, qui lui reprochaient d’avoir fait attribuer aux ouvriers cordonniers de Nantes, dans les fournitures destinées à un corps d’armée, une part plus considérable qu’aux ouvriers de Rennes. Un manifeste menaçant, signé par un grand nombre de ces derniers, a mis le ministre délinquant en demeure de tenir la balance plus égale entre sa ville natale et la ville qui l’envoie siéger à la chambre. Le maintien, à Besançon, d’un atelier d’habillement travaillant pour le compte de l’état n’a-t-il pas été, vers le même temps, l’occasion d’un autre scandale politique ? En présence de pareils faits, on ne saurait taxer d’excessives les appréhensions exprimées en Italie au sujet de l’usage que le gouvernement pourrait faire du pouvoir qui lui serait attribué sur le personnel et sur l’exploitation des chemins de fer.

Nous ne voyons point qu’on ait signalé dans l’enquête le danger qui serait le plus à redouter et qui serait plus grave encore que les facilités offertes à la corruption électorale. Le rapport de la commission se Rome à dire sommairement : « Tour à tour, l’administration envahirait la politique et la politique envahirait l’administration, et ce serait toujours au détriment de l’une et de l’autre. » Les intérêts qui sont touchés par les questions de transport sont trop nombreux et trop puissans pour que l’idée de les coaliser et de s’en faire un instrument ne vînt pas promptement à l’esprit des ambitieux. L’abaissement des tarifs figurerait bien vite dans les programmes électoraux sans qu’on prît souci de l’atteinte qui serait portée aux recettes publiques. Les partis renchériraient les uns sur les autres : après les marchandises, ce seraient les voyageurs qu’on voudrait favoriser et qui sait si le droit au transport gratuit ne finirait par figurer sur les manifestes socialistes à côté du droit au travail ? Déjà, en Belgique, un ministère a voulu fonder sa popularité sur un nouveau système de tarification dont la décroissance des recettes et les embarras du trésor ont déterminé l’abandon. Ne voyons-nous pas en France une campagne entreprise contre les avantages de commodité et de rapidité pour lesquels les voyageurs de 1re classe paient cependant un prix fort élevé ? et des efforts ne