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le matériel ou le combustible, d’établir les tarifs et de se mettre en relation avec les commerçans et les expéditeurs. Les agens sont employés dans les services où les connaissances dont ils font preuve peuvent être le plus utiles ; ils sont promus et récompensés suivant leur capacité et leur zèle sans qu’aucune barrière fasse obstacle à leur avancement. Si l’exploitation était remise à l’état, les nominations et les promotions devraient se faire conformément aux règles suivies dans les administrations publiques. Importance excessive attachée aux examens, prédominance des droits de l’ancienneté, sans égard aux aptitudes exceptionnelles et aux services rendus, destruction de toute initiative, de toute émulation, de tout intérêt à bien faire, indifférence au progrès des recettes et somnolence habituelle, telles seraient promptement les conséquences d’une organisation officielle à laquelle manquerait l’aiguillon de l’intérêt personnel. La compagnie de la Haute-Italie avait formé un personnel excellent qui a fait ses preuves d’intelligence, d’énergie et de dévouaient : à peine les Chemins lombards et vénitiens sont-ils passés dans les mains de l’état que ce même personnel a contracté tous les défauts que l’on reproche aux administrations publiques et a donné lieu à des plaintes nombreuses. Moins payés et moins surveillés que les employés des compagnies, les fonctionnaires publics produisent moins de travail utile : il faut en augmenter le nombre et la dépense est accrue. C’est ce qui est arrivé en Belgique après la reprise des chemins de fer et en Angleterre après le rachat des télégraphes ; l’Italie n’échapperait point à cette loi générale qui fait qu’une administration publique est moins diligente et plus dispendieuse qu’une administration privée.

Beaucoup de déposans et la commission elle-même ne se sont pas montrés moins préoccupés des inconvéniens politiques que pourrait avoir l’exploitation par l’état. La disposition d’un grand nombre de places et surtout d’une multitude de petits emplois pour lesquels il serait impossible d’imposer des conditions sérieuses, mettrait aux mains du gouvernement le moyen d’exercer une influence considérable sur les élections. Le ministère pourrait disposer en faveur de ses amis de la monnaie électorale la plus recherchée : le choix des cantonniers, des aiguilleurs, des graisseurs serait dicté par l’intérêt des candidatures amies et les employés des chemins de fer seraient transformés en une armée d’agens électoraux au service des partisans du ministère. En revanche, quel ministre inquiet sur le sort du cabinet se hasarderait à refuser à un député influent, et surtout à un groupe de députés, la promotion d’un protégé, le déplacement d’un ingénieur, l’agrandissement d’une gare, la création d’un atelier, l’établissement de trains