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la police de l’exploitation et il est maître des tarifs ; ce n’est point en ajoutant encore à des droits aussi étendus qu’on remédierait aux inconvéniens dont le public se plaint. Entre les mains de l’industrie, l’exploitation est un monopole surveillé et tempéré par l’action incessante des pouvoirs publics ; dans les mains de l’état, elle deviendrait un monopole sans contrôle et sans contrepoids.

La plupart des commerçans et des industriels qui, dans l’enquête, se sont prononcés pour l’exploitation par l’état, l’ont fait sous l’empire d’une idée fausse : à savoir qu’on peut attendre de l’état des facilités et des services gratuits ou presque gratuits qu’on ne saurait demander à l’industrie privée. Beaucoup se figuraient que le gouvernement pourrait abaisser indéfiniment les tarifs ; quelques-uns allaient jusqu’à croire que, renonçant à amortir le capital employé dans la construction, et mettant l’entretien des voies ferrées à la charge du budget, il pourrait réduire la rémunération des transports au strict remboursement de la dépense brute. L’idée qu’on puisse demander à l’état autre chose que l’accomplissement des devoirs inhérens à la souveraineté et qu’on puisse attendre de lui qu’il favorise ou serve des intérêts particuliers aux dépens de la communauté a été combattue, avec une grande abondance d’argumens, par M. Carbone-Grio. Le rapporteur de la commission n’a pas pris moins de peine pour la réfuter. Il fait observer que si un abaissement de tarif peut avoir pour conséquence d’ajouter aux élémens de trafic déjà existans ou de donner naissance à des transports que les prix antérieurs rendaient impossibles, l’initiative en peut être attendue de l’industrie privée aussi bien que de l’état : elle est même plus probable de la part de l’industrie, qui est stimulée par un intérêt direct, et dont l’attention est plus éveillée sur ce qui peut favoriser le développement des recettes. L’industrie des chemins de fer ne peut faire exception, sur ce point, parmi les industries, dont aucune n’hésite à faire des avances et des sacrifices si elle croit que l’avenir lui en apportera la compensation. Les sociétés italiennes n’ont pas dérogé à cette loi. La Société de la Haute-Italie, à peine en possession du réseau piémontais, s’est empressée de réduire les tarifs appliqués jusque-là par le gouvernement. La Société des chemins méridionaux a pris l’initiative d’une réduction considérable des tarifs inscrits dans son cahier des charges. La Société des chemins romains elle-même a diminué le prix des transports autant que le lui permettaient les entraves apportées au développement de son trafic par les crises politiques et financières. Il résulte d’un curieux tableau dressé par M. Carbone-Grio que les tarifs italiens, pour la petite vitesse, sont inférieurs à ceux de toutes les nations européennes, à l’exception