Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/387

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de commerce. L’exploitation d’une voie ferrée se résout, effectivement, en une multitude de faits qui ont, tous, pour origine ou pour but une opération commerciale ou industrielle. Elle n’est donc, au point de vue économique, comme au point de vue légal, que l’exercice d’une industrie. Elle est, à la vérité, la plus grande industrie de transport, et, par suite de son importance et de son étendue, elle touche de très près à l’intérêt public ; enfin elle a, jusqu’à un certain point, le caractère d’un monopole, tant à raison de l’intervention nécessaire des pouvoirs publics dans l’établissement de tout chemin de fer, que des difficultés matérielles et financières à surmonter pour créer une ligne parallèle à un chemin déjà existant ; mais ce monopole est moins absolu qu’il ne le paraît ou qu’on ne le suppose. Pour les petites distances, les routes ordinaires et les tramways, qui prennent une grande extension en Italie, font concurrence aux chemins de fer ; pour les longs parcours et les marchandises encombrantes, ce sont les canaux et la navigation maritime. Non-seulement les services maritimes établis dans l’Adriatique et dans la Méditerranée disputent les transports aux voies ferrées, mais deux chemins de fer peuvent se faire concurrence, sans être parallèles, s’ils aboutissent l’un et l’autre à deux grands ports en rivalité pour le commerce avec l’étranger.

Il est incontestable, néanmoins, que la concurrence ne peut pas produire dans l’exploitation des chemins de fer des effets aussi certains et aussi prompts que dans les autres industries : c’est ce qui explique et justifie l’intervention de l’état, qui ne peut laisser une entière liberté d’action à des entreprises où des intérêts si importans et si nombreux sont engagés ; l’état s’est réservé le droit de concéder les voies ferrées et de les surveiller, et, en ce faisant, il exerce la même prérogative souveraine en vertu de laquelle il réglemente la propriété, les successions, les contrats, la liberté de la parole et la liberté de la presse. Le crédit, dont l’influence se fait sentir irrésistiblement sur tous les intérêts publics et privés, a une autre importance que l’industrie des transports ; il est soumis aux règles imposées par l’état, sans que celui-ci ait besoin de se faire banquier. Il n’est donc pas nécessaire que l’état prenne entre ses mains l’exploitation des chemins de fer, il suffit qu’il exerce sur elle une surveillance assez efficace pour prévenir les abus du monopole et protéger les intérêts qui pourraient en souffrir. Or, le contrôle de l’état sur les chemins de fer est doublement assuré : d’abord, par les lois générales qui régissent la matière, et, en second lieu, par les conventions conclues avec les compagnies. Le gouvernement arrête les conditions des concessions, il fixe les tracés, il détermine les règles à observer dans la construction, il a