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où le paiement des coupons semestriels allait rendre tant de millions disponibles pour les achats de titres à la Bourse.

La spéculation n’avait commis ni imprudence ni excès, la hausse ayant été sagement conduite et contenue dans des limites raisonnables. Elle ne s’était point trompée dans ses prévisions sur le bon marché de l’argent, puisque la Banque d’Angleterre s’est vue obligée, par l’afflux des capitaux, d’abaisser à 2 pour 100 le taux de son escompte. L’épargne, cependant, n’a pas donné tout le concours que l’on en avait attendu. De nouveau, l’argent se montrait timide, réservé ; ce qui s’était passé pour les obligations ne s’est point reproduit pour les actions et pour les rentes. Le marché du comptant a conservé une tenue simplement satisfaisante, mais l’activité et l’ardeur ont fait complètement défaut.

Bien des motifs justifiaient cette froideur des capitaux de placement. Toutes les indications que le public aime à consulter sur le mouvement des affaires et sur le degré d’activité des forces économiques de la nation ne lui révélaient qu’un état de crise général, un ralentissement universel des transactions : les chiffres du commerce extérieur sont en diminution ; le rendement des impôts ne présente que des moins-values ; le commerce, l’industrie, se plaignent. Soit que les fortunes s’amoindrissent, soit que les dispositions à la dépense soient moins fortes, il y a décroissance dans les besoins de la consommation. Qu’il s’agisse du canal de Suez ou de nos grandes compagnies de chemins de fer, les recettes s’affaiblissent. Il ne faut pas oublier que le public s’inquiète en outre, très justement, — la situation économique étant si peu satisfaisante, — de voir la chambre témoigner une telle indifférence à l’égard des questions budgétaires. On a commencé sur la révision un débat dont la stérilité éclate à tous les yeux, et l’on rejette, de propos délibéré, à la fin de l’automne, la discussion du budget de 1885, notoirement en déficit de plus de cent millions.

C’est donc un fait certain que la spéculation n’a pas eu le concours espéré de l’épargne pour le maintien des hauts cours obtenus dans les premiers jours du mois. Dès lors une réaction devenait inévitable. Mais, comme les acheteurs voulaient attendre, sans désarmer, le mois de juillet et ses puissantes réserves de capitaux, et que les vendeurs, d’autre part, ne voyant rien d’immédiatement inquiétant à l’horizon, n’osaient tenter aucune entreprise contre les cours aussi longtemps que les événemens ne leur offriraient pas une occasion propice, les transactions se sont trouvées de fait presque entièrement suspendues, le niveau des cours étant maintenu par un équilibre dont le moindre accident devait démontrer le peu de stabilité.

Les événemens sont survenus de tous côtés, terribles pour les haussiers, que rien n’avait préparés à une telle déconvenue. Un groupe de