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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

Les deux rentes 3 pour 100 ont baissé de deux unités et le 4 1/2 de 1 fr. 50 pendant la seconde quinzaine, ou, plus exactement, pendant la dernière semaine de juin. Une chute si violente et si rapide ne serait pas suffisamment expliquée par la seule annonce des événemens qui en ont été le signal, c’est-à-dire l’apparition du choléra dans un port de France et une reprise fort inattendue des hostilités au Tonkin. C’est la situation particulière dans laquelle se trouvait la place depuis le commencement du mois qui a fait la soudaineté et la rapidité de la réaction. Le marché ne se soutenait plus que par la rareté, on a pu même dire quelquefois par l’absence des transactions. Il était ainsi livré à la merci du premier incident.

La hausse qui, en avril et en mai, avait porté nos trois rentes aux cours ronds de 108 francs, 79 francs et 80 francs, paraissait cependant justifiée par un retour manifeste de confiance des capitaux. On avait vu l’épargne se jeter avec une sorte d’engoûment sur les obligations qu’émettaient nos grandes compagnies de chemins de fer, émission effectuée par voie d’écoulement continu soit aux guichets des compagnies, soit par l’intermédiaire des grandes institutions de crédit et qui portait sur des chiffres considérables. Les obligations, malgré cette incessante création de nouveaux titres, étaient si avidement recherchées que les prix se sont élevés en quelques semaines d’une vingtaine de francs.

Il y avait donc de fortes réserves d’épargne, la preuve en était faite. Quoi de plus raisonnable que de penser que les capitaux, arrachés enfin à leur méfiance des dernières années, se porteraient des obligations aux actions mêmes de chemins de fer, et, plus certainement encore, aux fonds publics ? La spéculation, s’étant avisée que l’heure des rentes ne tarderait pas à sonner, a devancé l’épargne en établissant le 4 1/2 pour 100, le 3 pour 100 et l’Amortissable aux prix élevés que l’on a vus inscrits à la cote immédiatement après la liquidation de fin mai. Les acheteurs à terme se croyaient assurés contre toute surprise par le calme de l’atmosphère politique, par le bon marché et l’extrême abondance de l’argent, par la proximité du mois de juillet,