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sur les combinaisons concertées pour l’avenir entre Paris et Londres ; ils ont réservé leur opinion. Une seule chose est certaine, c’est que pour aucun d’eux, pas plus pour M. de Bismarck que pour les autres représentans de la politique européenne, l’Égypte ne semble devoir être l’occasion d’un conflit prochain. Et M. de Bismarck, lui aussi, a sa politique coloniale, dont il a eu dernièrement à parler à propos d’un crédit demandé au Reichstag pour la création de paquebots transatlantiques. Au milieu des préoccupations de ses affaires intérieures, de la reconstitution récente du conseil d’état, de la loi sur les assurances ouvrières qui vient d’être votée, le chancelier de Berlin a ses idées sur l’expansion allemande. Il ne veut pas précisément créer un empire colonial, fonder des établissemens lointains et coûteux ; il entend seulement protéger ses compatriotes partout où ils iront s’établir, et pour les Allemands il répète fièrement le Civis Romanus sum que lord Palmerston prononçait autrefois pour les Anglais. M. de Bismarck n’a point, il est vrai, une marine puissante à promener sur les mers pour la protection de ses nationaux : qu’à cela ne tienne, il s’est laissé aller à dire d’un ton dégagé, dans une commission, que, si on lui donnait des griefs, il n’avait pas besoin d’aller si loin, que les portes de Metz s’ouvraient sur la France ! Le mot était étrange, presque menaçant, et il a fait du bruit, même au Reichstag. Le sens en avait été évidemment dénaturé ou exagéré, et, à la première occasion, le chancelier s’est plu à dire avec une sorte d’ostentation que, depuis longtemps, entre l’Allemagne et la France, il n’y a que des relations cordiales. Si M. le président du conseil n’était pas rassuré, il serait difficile. Le chancelier de l’empereur Guillaume l’a comblé, lui et ses prédécesseurs, des témoignages de sa confiance. M. de Bismarck l’a déclaré : « Les deux gouvernemens ont pleine confiance dans leur loyauté et leur sincérité réciproques ! » S’il y a eu quelquefois des craintes à Paris, un mot du chancelier a toujours suffi pour dissiper les doutes. Pourvu que nos gouvernemens ne se proposent pas « le rétablissement d’un état anormal datant, de Louis XIV, » il n’y a rien à craindre. Les populations peuvent se rassurer « pour le présent et pour l’avenir, autant que la sagesse humaine peut prévoir, sur la possibilité d’une guerre entre l’Allemagne et la France ! » Voilà qui est au mieux ; M. de Bismarck est un grand messager de paix, et nous pouvons être tranquilles.

Quelque importance qu’aient ces problèmes de la paix et de la guerre où la destinée des nations est engagée, il est cependant d’autres questions qui ont aussi leur intérêt, qui touchent à la direction des grands courans de la politique, à des luttes de partis et d’opinions communes à tous les pays. Les dernières élections belges ont eu cet intérêt. Elles ont été la défaite des libéraux, qui avaient mal usé de leur règne, et la