Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/237

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gement préliminaire de l’Angleterre et de la France, dont le secret n’a été divulgué qu’à la dernière heure, et de l’œuvre éventuelle de la diplomatie européenne ? C’est là justement le problème autour duquel des doutes se sont élevés aussitôt à Paris comme à Londres, à Saint-Pétersbourg comme à Vienne et à Berlin. Les impressions semblent avoir été assez confuses, peut-être même peu favorables.

En réalité, cet accord anglo-français, qui était la condition première de la réunion de la conférence européenne, touche à divers points politiques et financiers dans la situation de l’Egypte telle que les événemens l’ont faite. La France a certainement montré une extrême bonne volonté dans cette négociation ; elle est allée avec une bonne grâce un peu empressée au-devant de toutes les susceptibilités anglaises en renonçant pour sa part à cette prépondérance partagée qui s’est appelée le condominium et en prenant l’engagement de n’intervenir désormais en Égypte que d’accord avec l’Angleterre elle-même. L’Angleterre, de son côté, s’oblige à ne pas prolonger son occupation dans la vallée du Nil au delà du 1er janvier 1888, sauf des événemens sur lesquels l’Europe aurait à se prononcer, et elle s’engage de plus à présenter des projets consacrant la neutralisation de l’Egypte, la liberté du canal de Suez. Ainsi, du côté de la France, renonciation à d’anciens droits de prépondérance et d’intervention, — du côté de l’Angleterre, renonciation à toute idée de protectorat ou d’annexion, c’est là ce qu’on peut appeler la partie politique de l’arrangement. Pour la partie financière, le contrôle à deux ayant disparu, on cherche des garanties dans la réorganisation de la commission internationale de la dette égyptienne, dans une extension plus ou moins sérieuse des pouvoirs de cette commission. Au-delà ou en dehors de ce qui a été adopté en commun reste la question particulière des propositions que l’Angleterre a l’intention de soumettre à la prochaine conférence pour obtenir les moyens de remédier aux difficultés financières de la situation présente de l’Egypte. C’est là ce qui a été négocié entre la France et l’Angleterre, ce qui va être soumis à la diplomatie et ce qui, avant même la réunion de la conférence européenne, vient d’être coup sur coup l’objet de discussions animées, pressantes, presque inquiétantes, dans les parlemens de Londres et de Paris.

A parler franchement, cet accord préliminaire que la France a négocié laborieusement avec l’Angleterre, qui est, pour ainsi dire, le programme ou le prélude de la conférence, cet arrangement n’a pas eu, au premier moment, une brillante fortune. S’il a excité des défiances en Angleterre, où, depuis quelques mois, l’opinion est déraisonnablement agitée, il a provoqué aussi en France de vives critiques. M. le président du conseil, le négociateur de ces arrangemens, a été accusé de s’être montré prodigue de concessions, d’avoir renoncé légèrement au condominium, à l’influence privilégiée et traditionnelle de la France,