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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 juin.


Quand, depuis des armées déjà, par des idées fausses et de faux calculs, on est entré dans la voie scabreuse des aventures politiques, il n’est plus facile de s’arrêter ni même de se reconnaître. On est entraîné quelquefois sans le vouloir, presque toujours par une sorte d’impulsion irrésistible. Les excès ou les erreurs de la veille conduisent aux erreurs et aux excès du lendemain. Il faut marcher sous l’aiguillon de la logique impérieuse qui pousse les partis et les pouvoirs abusés.

Vainement, de temps à autre, on voudrait faire une halte, se retenir devant les mécomptes qui s’accumulent et les avertissemens qui se multiplient ; on est lié par tout ce qu’on a fait, par les gages qu’on a donnés, par les solidarités qu’on a subies, par les passions qu’on a enflammées et qu’on n’a pu satisfaire qu’à demi, par les promesses et les programmes qu’on a prodigués. On ne peut plus reculer, et, chemin faisant, on finit par se créer une vie tellement factice qu’on voit tout sous un faux jour. On ne s’aperçoit pas que ce qu’on représente comme le vœu du pays n’est le plus souvent que le vœu des partis qui s’efforcent de lui imposer leur volonté, que, sous prétexte de réformes chimériques et mal conçues, on désorganise tout, le gouvernement et les institutions, qu’au lieu de s’occuper des vrais et sérieux intérêts publics, on perd son temps à soulever toute sorte de questions oiseuses ou dangereuses. On se débat dans une impuissance remuante et turbulente, sans prendre garde qu’on joue perpétuellement cette comédie, devenue assez monotone, de beaucoup de bruit pour rien. C’est, en