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primitif se termine à ce moment. C’est une ère qui se clôt et un nouvel ordre de choses qui commence pour se perpétuer ensuite jusqu’à nous. Cependant, s’il fallait mesurer par siècles, nous nous trouverions rejetés dans un passé encore trés lointain, et d’immenses événemens se sont déroulés entre ces deux dates si rapprochées en apparence, en ne considérant que l’histoire du globe : le soulèvement des Alpes et l’apparition de l’homme.

Esquissons à grands traits ce qui dut se passer lorsque les Alpes, finalement exhaussées et configurées comme elles le sont encore, peut-être même plus élevées, eurent atteint leur relief, dans un âge où rien ne faisait conjecturer que l’homme dût bientôt se montrer. Cet âge est celui où les mastodontes, et bientôt après les éléphans, étaient les rois incontestés de la nature vivante. Ce fut l’époque aussi où la végétation européenne, dépouillant sa richesse antérieure, s’appauvrit graduellement pour revêtir enfin l’aspect et se réduire aux élémens qui la caractérisent encore sous nos yeux.

A partir d’une époque déterminée, mais très éloignée de la nôtre, antérieure même au tertiaire, la température terrestre, d’abord sensiblement égale par tout le globe, commença à s’abaisser, et cet abaissement, parti des pôles, ne cessa de faire des progrès, d’abord à l’intérieur des cercles polaires, pour s’étendre ensuite au-delà de proche en proche. La dépression du climat de la région arctique, la seule que nous ayons à considérer, n’eut d’abord d’autre résultat immédiat que d’exclure de la zone circumpolaire les types des pays chauds, tels que les cycadées, les palmiers, et avec eux la plupart des arbres à feuillage persistant, en favorisant au contraire l’essor des végétaux qui se dépouillent à d’entrée de l’hiver et pour lesquels la saison froide marque une période de repos. On peut même dire, que cette dernière catégorie doit ses aptitudes aux conditions que l’abaissement du climat fit naître pour la première fois aux environs du pôle, avant de les propager de plus en plus loin ; mais les progrès de cet abaissement furent tels à la longue qu’après l’établissement d’une saison froide annuelle, un moment vint où l’eau se solidifia sous forme de neige et de glace au sommet des montagnes arctiques. L’accumulation de ces élémens auparavant inconnus constitua enfin des glaciers dont la marche vers les vallées inférieures, une fois inaugurée, continua sans jamais s’arrêter. Ce ne fut donc plus seulement les types des pays chauds et les arbres verts, mais la végétation ligneuse tout entière qui se trouva menacée par cet envahissement des glaces, né fatalement de l’abaissement du climat, mais destiné à en aggraver les effets et à en précipiter les résultats, non-seulement à l’intérieur du cercle polaire, mais, par contrecoup, bien au-delà et dans la