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Heer a fait voir que ce mélange était surtout l’indice d’une température égale, s’abaissant peu en hiver, mais dont la chaleur estivale était amortie par l’humidité ; il compare OEningen aux jardins de Madère, où l’on observe la réunion des mêmes catégories végétales, harmonieusement confondues. Sous un semblable climat, les laurinées fleurissaient au cœur de l’hiver ; les peupliers, les saules, les platanes, les ormeaux développaient de très bonne heure leurs chatons et leurs feuilles, C’est cette ordonnance qu’atteste justement la coïncidence, à la surface d’une seule et même plaque, des fleurs de camphrier, des fruits des canneliers, des chatons de saules et de peupliers, des samares d’ormeaux et des feuilles nouvelles de platane. L’hiver était donc très doux à OEningen et le printemps des plus précoces. — L’été est également reconnaissable à un indice tiré de la présence à la surface des feuillets des ailes de fourmis. C’est au milieu de la saison chaude que les fourmis ailées prennent leur volée en troupes immenses et vont s’accoupler dans les airs. Elles meurent ensuite, après avoir abandonné leurs ailes et tombent par milliers au sein des lacs. Les mouches, les termites ont eu le même sort : à côté, se montrent les fruits d’un tamarinier (Podogonium), qui mûrissait, par conséquent, dans la même saison, avec les samares des bouleaux et des frênes, les gousses des acacias, etc. Les platanes et les ambriers disséminaient leurs fruits en automne et ne perdaient leurs feuilles que très tard, dans l’arrière-saison. — Au bord immédiat des eaux, se pressait à OEningen une lisière épaisse de peupliers, d’aulnes, de saules, de figuiers. Plus loin, s’élevait une forêt puissante où dominaient les érables, les noyers, les chênes verts, les lauriers. Sur les lisières et dans les endroits abrités, s’étalaient les casses, les césalpiniers, les gommiers, entremêlés de palmiers moins nombreux et moins élevés que dans l’âge précédent, mais encore élégans et variés. De nombreuses fougères, des plantes aquatiques complétaient cet ensemble, qui exigerait de longues pages s’il fallait pour le décrire en préciser les détails.


V

Après OEningen, la nuit se fait subitement dans le passé de la Suisse ; les fossiles manquent et les formations régulières font elles-mêmes défaut. On ne trouve d’autre indication que des masses de nagelfluh. C’est pourtant à ce moment qu’il faut placer le plus grand événement géologique dont la Suisse ait jamais été le théâtre, le surgissement et la constitution définitive des Alpes. Le monde