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oscillations dues à l’introduction de certains types, au déclin et à l’élimination de plusieurs, autres, s’effaçant devant les nouveau-venus, Heer a préféré ne pas tenir compte de subdivisions aussi peu tranchées et procéder à l’examen de l’ensemble, en embrassant dans un seul cadre la nature vivante tout entière de la Suisse miocène. Déjà, en se reportant à la fin de l’âge éocène antérieur, l’étude de ce que l’on nomme le terrain sidérolithique du Jura avait permis de constater l’identité des animaux terrestres qui fréquentaient le versant suisse ; de cette chaîne, palœotheriums, anoplotheriums, xyphodons, etc., avec les types correspondans retirés du gypse de Montmartre. — Au bord des lagunes aquitaniennes, ont rencontre l’anthracotherium qui caractérise si bien le miocène inférieur. Pourtant, plusieurs des genres antérieurs continuent alors à se montrer et servent de lien entre les deux époques. Avec la taille d’un bœuf, l’anthracotherium magnum avait le port et le groin d’un porc ; comme celui-ci, il aimait ai se vautrer dans la vase. MM. de La Harpe en ont retiré des squelettes entiers des lignites du canton de Vaud. Les tapirs, les rhinocéros commencent à se montrer, ainsi que les premiers ancêtres des ruminans, encore à l’état d’ébauche ; mais à mesure que l’on redescend les étages, le mouvement continue, les séries se prononcent et se caractérisent. Ce sont les chevrotains, puis les cervidés (Cervus Scheuchzeri) qui vont en se spécialisant. Les antilopes laissent soupçonner leur présence par celle des coléoptères coprophages, qui vivent de leurs déjections. L’existence des mastodontes et des dinotheriums, ces prédécesseurs des éléphans n’a été signalée que dans les parties récentes de la mollasse. Il en est de même de l’hipparion, qui précède en Europe le cheval proprement dit. — Le plus grand carnassier de la molasse, l’hyænœlurus, dépassait le tigre par la taille, et tenait du tigre et de la hyène par la denture. — Enfin, un singe anthropoïde, voisin du siamang de Sumatra habitait la Suisse molassique ; il mesurait environ un mètre de hauteur et se distinguait du siamang actuel par quelques détails secondaires.

Heer a reconstitué le paysage aquitanien du lac de la Pandèze, auprès de Lausanne. Tandis : que les tapirs se baignent dans l’eau du lac, que les rhinocéros errent en troupe et que les anthracotheriums rôdent le long des bords, on voit des lotus étalés à la surface de l’eau ; des papyrus, des Iaiches, de grands roseaux garnissent les bords ombragés par un groupe de palmiers dont le large feuillage se marie à la verdure lustrée des camphriers, des lauriers, des figuiers, de plusieurs chênes à feuilles : persistantes. Des fougères. volubiles (Lygodium), des salsepareilles grimpantes s’enroulent autour, des : tiges et des branches, tandis que, dans le lointain, on