Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

incomplète en mentionnant les Contributions à la flore fossile du Portugal, (Lisbonne, 1881.) Tout ce qui touche à la Russie, à la Suède, au Danemark et se rattache au cercle des études sur l’ancienne végétation polaire reste naturellement en dehors. C’est un cycle à part que nous aborderons plus tard. On voit que le génie de Heer avait quelque chose d’international et d’universel. Pour lui, avec raison, la science n’avait pas de frontières. On se tromperait pourtant si l’on croyait qu’il se fût éparpillé en prodiguant les forces de son esprit à des travaux secondaires. A regarder de près, il faut bien revenir de cette pensée ; tous ces ouvrages multipliés ne furent pour lui que des épisodes ; ils constituèrent une sorte de gymnastique tenant son esprit en éveil, mais au sortir de laquelle il revenait avec plus d’ardeur au véritable but qu’il s’était proposé et qu’il se gardait bien de perdre de vue. En effet, lorsqu’au lieu de s’attacher aux détails, on considère l’ensemble et que l’on observe la marche entière des travaux que Heer a eu la chance de mener à bout avant de mourir, on distingue immédiatement deux desseins principaux qu’il a dû se proposer de suivre et de compléter : l’un, plus ancien, d’où est sorti ce qu’il a nommé le Monde primitif de la Suisse ; l’autre, né de circonstances inattendues, qui vinrent un peu plus tard lui ouvrir un immense horizon ; de là la Flore fossile des régions polaires. Ainsi, décrire, d’une part, le passé paléontologique de sa patrie et, de l’autre, tracer l’histoire de l’ancienne végétation des terres arctiques, telle fut la double tâche que s’imposa Oswald Heer. En essayant de le suivre, nous commencerons notre examen par celui du premier de ces deux cycles de recherches. Ce ne sera pas trop des pages suivantes pour en exposer, en les condensant, les curieux résultats.


II

Heer n’a pas consacré moins de trois grands ouvrages à la connaissance de l’ancienne flore et du passé géologique de la Suisse. Ces ouvrages sont de véritables monumens. La Flore tertiaire de Suisse (1855-1859) compte cent cinquante-six planches distribuées en trois volumes petit in-folio ; la Flore fossile de Suisse, qui comprend tout ce qui n’avait pas été décrit dans le premier ouvrage, est accompagnée de soixante-dix planches. Les insectes fossiles, particulièrement ceux d’OEningen, furent l’objet de publications spéciales ; enfin toutes les notions d’ensemble se trouvent condensées dans le Monde primitif de la Suisse, paru en 1865, et dont il existe une seconde édition de 1879 et une traduction française datant de 1872. C’est là, on peut le dire, que Heer se retrouve