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père, son seul maître, alors pasteur à Masl, village entouré de hautes montagnes ; il y poursuivait son éducation littéraire. Quand il quitta Masl en 1828, ce fut pour se rendre à l’université de Halle, d’où, il retourna à Saint-Gall pour y prendre ses grades en théologie. Durant cette période, le naturaliste, chez M. Heer, est toujours doublé d’un théologien ; mais celui-ci s’efface et le premier prend définitivement l’essor au moment où M. Escher-Zollikofer, le grand entomologiste de Zurich, lui confie la garde et le classement de ses immenses collections. Plus tard, nous retrouvons le jeune Heer, dont le nom fait bientôt autorité, docteur de l’université de Zurich, puis professeur de botanique, enfin professeur au Polytechnicum fondé à Zurich en 1855 pour servir de centre des hautes études à l’ensemble des cantons suisses. C’est là que sa vie s’est écoulée, vouée tout entière aux grands travaux dont nous allons essayer de rendre compte.

Dans cette carrière de près d’un demi-siècle, aucune distraction, aucune lacune ne saurait être signalée. Les travaux se touchent et s’enchaînent ; rien ne les interrompt. C’est une vie intérieure dont sa femme plus tard et sa fille partagent les joies et les préoccupations. Il faut mentionner pourtant, à titre d’épisodes, un séjour à Madère et plus tard un autre à Pise, motivés par l’ébranlement d’une santé qui resta toujours frêle. Cette apparence chétive, cette nature souffreteuse, faite pour inspirer des craintes, c’est encore un trait caractéristique d’Oswald Heer. Chez lui, le corps était débile, mais l’esprit vivant, l’âme tranquille ; le travail reprenait toujours ses droits et l’obligation où il se trouva réduit de garder le lit pendant plus d’un an n’amena aucun changement dans ses habitudes, aucun retard dans ses publications. La bonté, la douceur, la sérénité, une sorte de résignation aux accidens de la vie, composaient le fond de son caractère et lui permettaient de marcher au but et, le but une fois entrevu, de ne pas s’en écarter. Sa fin fut celle du sage de La Fontaine ; il s’endormit paisiblement, sans ressentir de douleur ni exprimer de regrets, après avoir mis la main jusqu’au bout à un ouvrage sur la Flore nivale de la Suisse, que ses amis auront soin de terminer et de publier en son nom.

En jetant les yeux sur la liste des ouvrages de Heer, on reste étonné de leur nombre et de leur importance. Les analyser, les énumérer même serait insuffisant ou mènerait trop loin. Il faut bien choisir le plus saillant dans cette œuvre, qui dépasse de beaucoup ce que les auteurs les plus féconds ont accoutumé de produire. Presque uniquement voué à la botanique fossile, c’est d’elle surtout que notre auteur tire son relief, c’est par elle qu’il acquit promptement une grande notoriété, à partir de la publication de sa