Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/157

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sixte-Quint savait, surtout gré à Bianca de ses efforts pour l’union politique des deux frères ; il l’avait vue à l’œuvre dans maintes négociations, active, intelligente, déployant pour le plus grand avantage des Médicis ce zèle presque toujours, heureux, des intrus et des bâtards. » Ramener, maintenir la bonne harmonie dans la famille, écrivait-elle au cardinal, je n’ai pas d’autre soin et je m’y applique de manière à contenter l’affection que vous me témoignez. Fiez-vous à moi, qui ne songe, qu’à panser vos blessures et à les guérir jusqu’à la dernière cicatrice. Je constate que depuis quelques jours, les dispositions du grand-duc sont beaucoup meilleures. Ne vous inquiétez pas, montrez-vous conciliant, docile même ; je vous promets que nous réussirons à conjurer les cabales de nos ennemis. Mais je ne puis assez vous le répéter, rapprochez-vous du grand-duc, faites cause commune avec lui. dans toutes les affaires et ma tâche en sera plus aisée. Je n’ai qu’un désir, vous servir, lui et vous, et contribuer à la prospérité d’une maison à laquelle je suis prête à sacrifier mon existence. C’est pourquoi je vous supplie de me laisser faire et me charge de convaincre le grand-duc que vous êtes l’ami le plus intelligent et le plus sûr qu’il ait dans le sacré collège.. »

Bianca Capello voulut aussi recourir à l’entremise de l’archevêque de Florence, personnage à la fois agréable à son mari et favorable au cardinal ; celui-ci n’eut pas de peine à démontrer au grand-duc les périls d’un dissentiment qui d’ailleurs ne reposait que sur des calomnies forgées par ses ministres, Abbioso et Serguidi. Irait-on, pour prêter à rire à deux gredins, encourir plus longtemps la disgrâce du saint-père ? L’archevêque ayant habilement préparé la voie, Bianca survint, apportant les vœux du frère, et le traité de paix fut signé. L’admonestation du prélat, les instances de l’épouse, la crainte d’une brouillé complète avec Rome, peut-être même quelque excès de rigueur qu’on se reprochait envers un frère au demeurant très considérable, tout cela conspira si bien d’ensemble à détendre la situation que le grand-duc chargea sa femme d’annoncer au cardinal le rétablissement des bons rapports et transmit à son résident à Rome l’ordre d’en confirmer la nouvelle.

On était au commencement de l’année 1587. Don Ferdinand, approuvant tout, heureux de tout, dépêcha sur l’heure à Florence un de ses secrétaires pour remercier le grand-duc et lui promettre sa visite pour l’automne ; quant à ses sentimens envers Bianca, ils ne pouvaient qu’être excellens, toute perspective de grossesse ayant disparu et le mauvais état de sa santé ne laissant guère supposer de ce côté aucun sujet de troubles dans l’avenir. Mais celui que le dénoûment de cette négociation édifia et réjouit à miracle, ce fut le souverain pontife. Bianca reçut à ce propos des félicitations certainement très précieuses, car Sixte-Quint, avare en toute chose, ne les