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celui de la raison. En admirant ces boiseries, on songe aux beaux dessins d’Étienne Delaune et de Geoffroi Tori, aux ouvrages d’ornementation de Du Cerceau, aux œuvres si fines et si délicates de Nicolas Briot et de Pierre Woeiriot, ainsi qu’aux titres et encadremens des grands imprimeurs contemporains de Paris et de Lyon. On se rappelle aussi le système décoratif adopté pour les faïences d’Oïron, dont plusieurs sont au chiffre d’Anne de Montmorency. Les œuvres incomparables des relieurs de Groslier se présentent surtout à l’esprit. Elles se reflètent avec une vivacité singulière dans ces boiseries, qui complètent avec tant d’harmonie l’ensemble des monumens rassemblés à souhait, dans la chapelle de Chantilly, pour instruire et charmer à la fois[1].

Une vue cavalière du château de Chantilly, exposée au Salon triennal de 1883, mettait en plein relief le palais récemment édifié. Dans ce remarquable dessin, les nouvelles constructions, sans rien perdre de leur importance et de leur valeur pittoresques, gardaient une large part à ce que les temps anciens ont laissé là de durable ; si bien qu’à côté de ce qui vient d’être fait, on pouvait refaire par la pensée ce qui était jadis, et reconnaître quelques-unes des principales époques de la France à quelque chose de grand ou de beau. Le moyen âge ne revit-il pas dans les vieux remparts qui sont les fortes assises du nouveau château ? La renaissance ne se retrouve-t-elle pas dans le châtelet, dont la beauté calme a trouvé grâce devant le temps et devant les hommes ? Le siècle de Louis XIV et le souvenir du vainqueur de Rocroi ne semblent-ils pas se perpétuer dans la galerie où sont peintes les Actions de Monsieur le Prince ?


A. GRUYER.

  1. On a également sauvé de la chapelle d’Écouen au cadre aux armes, chiffres et insignes d’Anne de Montmorency, dans lequel douze émaux rehaussés d’or représentent les scènes de la Passion d’après Albert Dürer. Ces émaux, attribués à Pierre Courteys, sont au Musée du Louvre. — On sait, en outre, par d’anciennes descriptions, que le dallage de la chapelle d’Écouen représentait divers sujets tirés dus Actes des apôtres. (Voyage pittoresque aux environs de Paris, 1755.) Peiresc attribue ces carreaux émaillés à Bernard Palissy. Que ne lui a-t-on pas attribué ! M. de Guilhermy incline vers Jérôme della Robbia, que le roi François Ier avait fait venir d’Italie pour décorer le château de Madrid, prés Paris. (Annales archéologiques, t. XII, p. 276.)