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bois de courbaril, fort employé au XVIe siècle et quasi délaissé de nos jours, apporte sa note chaude et vibrante d’un rouge pourpre très foncé. C’est de ce bois que sont faites les réserves sur lesquelles se détachent les méandres, les arabesques, les allégories, les devises, les emblèmes et les inscriptions, incrustés de toutes parts en bois de rapport d’un jaune clair presque blanc.

Les paremens de la nef forment un ensemble décoratif composé d’un soubassement, sur lequel posent des pilastres accouplés d’ordre dorique, réservant entre eux de larges panneaux destinés à recevoir de véritables peintures en marqueterie ; les pilastres portent un entablement, surmonté lui-même de consoles, qui supportent à leur tour un couronnement composé d’un bandeau, d’une frise et d’une corniche. Le soubassement en noyer est orné de simples filets. La décoration devient plus riche entre les pilastres, où des chaînes formées d’anneaux enlacés se dessinent en bois d’érable sur fond de courbaril. De chaque côté des consoles, des sénestrochères alternent avec des dextrochères pour porter les épées d’office. Un léger cordon, soutenant de distance en distance des fleurons renversés, court d’un bout à l’autre du bandeau de la corniche. Au-dessus de ce bandeau se dessine une frise, dont les entrelacs sont coupés de distance en distance par les alerions des Montmorency. Dans les douze grands panneaux compris entre les pilastres, sont les Douze Apôtres. La marqueterie est ancienne pour cinq d’entre eux (Saint Jean, Saint André, Saint Thomas, Saint Jacques le Majeur et Saint Jacques-le-Mineur), elle a été refaite pour les sept autres (Saint Pierre, Saint Paul, Saint Simon, Saint Thadée, Saint Philippe et Saint Barthélémy). Ces figures sont découpées en bois d’érable incrusté sur des planches de noyer ; les têtes et les parties nues, ainsi que les draperies, sont dessinées et modelées à l’aide de traits et de hachures gravées et incrustées de noir. Les fantaisies les plus charmantes sont prodiguées dans les encadrement de ces douze tableaux. Les doubles croissans et les deux D enlacés de Diane sont jetés aux angles des cadres, tandis qu’à leur sommet. se trouvent l’arc et les flèches de la déesse. La devise des Montmorency, Ἀπλανῶς (Aplanôs) (sans écart), ainsi que le chiffre du connétable, l’A et l’M enlacés et coupés par l’épée d’office, se lisent de tous côtés. On trouve aussi, mises en plein honneur, la couronne royale et la devise de Henri II : Impleat orbem donec totum. Puis ce sont des cartouches de formes exquises, des vases d’une légèreté charmante, des méandres d’une inépuisable fantaisie, des figures accessoires qui sont au plus haut point décoratives. Tout cela agrémenté de tons chatoyans et discrets, obtenus par des incrustations de bois naturels et diversement colorés. Les richesses de cette décoration sont grandes, et leur élégance fait oublier leur richesse.