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famille ? Leur sveltesse et leur élancement un peu exagéré, leur grâce légèrement maniérée, les draperies qui tiennent à l’antique au moins autant qu’à la renaissance italienne et qui sont devenues sous le ciseau de Jean Goujon partie inhérente de la renaissance française, se rencontrent identiques sur les deux monumens. On est frappé aussi, dans les allégories chrétiennes de l’autel d’Écouen, par cette exécution délicate et précieuse, que l’on retrouve avec plus de force et de grandeur encore dans les allégories païennes de la Fontaine des Nymphes, par cette recherche dans la parure, par ces riches orfèvreries que Goujon prodigue à toutes ses figures, sacrées ou profanes, et qui sont une des caractéristiques de ses œuvres. Avait-il été en Italie ? Ne s’était-il chauffé que par réflexion au feu des chefs-d’œuvre de Florence et de Rome ? Lui avait-il suffi d’approcher les Rosso et les Primatice pour comprendre ce que ces artistes reflétaient de grand et ce qu’ils nous apportaient de funeste ? Ce qui est sûr, c’est qu’il est par excellence le sculpteur de notre renaissance, et qu’il reste Français tout en se rattachant à l’Italie… Ainsi, tandis que les vitraux de la chapelle de Chantilly nous laissent dans le vague et l’indétermination, l’autel nous renseigne avec précision. C’est que, malgré les nombreuses lacunes que présente l’histoire de notre sculpture au XVIe siècle, on a, depuis Michel Colomb jusqu’à Barthélémy Prieur, toute une suite d’artistes qui revivent avec leur physionomie propre dans une série d’œuvres admirables. Jean Goujon, surtout, a laissé sur les siennes une empreinte qu’on ne peut méconnaître.


IV

Pour que la renaissance française nous apparût sous tous ses aspects dans la chapelle de Chantilly, il fallait que, en présence des monumens qui appartiennent aux trois grands arts du dessin, les arts décoratifs, qui relèvent à la fois de la peinture, de l’architecture et de la sculpture, sans être précisément l’affaire de chacune d’elles, fussent également représentés. Les boiseries provenant aussi de la chapelle d’Écouen complètent sur ce dernier point nos informations. Elles revêtent d’une parure admirable les murs de la nef ; elles forment, en outre, de chaque côté de l’entrée principale, des claires-voies munies de portes ajourées, qui donnent accès aux deux oratoires latéraux, dont l’un (celui de gauche) ouvre directement sur le rempart, et dont l’autre (celui de droite) communique avec le château par l’intermédiaire d’une galerie couverte. Sur un fond de noyer, le