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société en demeure d’opérer la division de son capital et de rendre complète la séparation des deux branches : ils lui donnèrent un délai de six mois, à partir du 24 avril 1873, pour satisfaire à cette injonction, sous peine d’y être contrainte par les voies légales.

À l’expiration de ce délai de six mois, le 24 octobre, les administrateurs soumirent aux deux gouvernemens un projet qui ne modifiait pas sensiblement l’état de choses existant. Le capital social était partagé également entre les deux sociétés à former, et l’on mettait à la charge de l’une ou de l’autre les obligations émises pour la construction de certaines lignes, suivant que ces lignes se trouvaient comprises dans le réseau autrichien ou dans le réseau italien ; mais on maintenait la solidarité des deux sociétés vis-à-vis des porteurs des obligations déjà émises ou à émettre pour l’exécution des engagemens contractés avant la séparation et, par voie de conséquence, on conservait à Paris une caisse commune gérée par un comité central qui veillerait, en outre, à l’exécution de tous les engagemens communs aux deux sociétés. Ce n’était donc pas là la séparation absolue que les deux gouvernemens avaient demandée ; mais les administrateurs faisaient observer qu’il était indispensable de rendre les deux sociétés solidaires de tous les engagemens contractés en commun et, par conséquent, de maintenir intacte, au moins en principe, l’ancienne unité sociale. En effet, si on faisait disparaître entièrement l’ancienne société, avec laquelle les porteurs d’obligations avaient contracté, on mettait fin au contrat lui-même et les obligataires acquéraient immédiatement le droit de se faire rembourser leurs titres et, en cas de non-satisfaction, de provoquer une mise en faillite des deux sociétés. Quant à répartir la dette commune entre les deux sociétés, les obligataires étaient également en droit de refuser leur adhésion à cette répartition, et l’on manquait de bases certaines pour rétablir équitablement.

Ces raisons étaient péremptoires : ni l’un ni l’autre des deux gouvernemens n’avait intérêt à provoquer l’effondrement d’une société qu’il n’aurait su comment remplacer, et dont la chute est compromis, peut-être pour longtemps, l’œuvre si importante de l’achèvement des chemins de fer ; et cependant la situation était devenue intolérable. Il ne restait plus qu’une voie pour arriver à cette séparation, qu’on jugeait désormais indispensable : c’était de racheter à la société un des deux réseaux. Le gouvernement autrichien, qui croyait avoir besoin plus que jamais du concours de l’industrie privée, ne se jugeait point en mesure de tenter une opération pareille. Plus hardi, quoique non moins besogneux, le gouvernement italien estima que la possession des chemins de fer mettrait entre ses mains un moyen d’influence d’autant plus puissant que tous les grands intérêts du pays, agriculture, commerce,