Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 63.djvu/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bienveillance duquel l’esprit ne nuit pas. Le baron de Livois, qui est président du conseil d’administration, va d’une maison à l’autre, dans le jour afin de vérifier les registres, le soir pour assister au coucher des pensionnaires, et s’assurer que rien ne manque au confortable relatif qu’on leur offre. Donc, par les capitaines, qui sont ses employés, par son président et ses vice-présidens, qui sont ses représentans immédiats, l’œuvre de l’Hospitalité de nuit s’efforce de demeurer fidèle à son programme et « de soulager les misères physiques et morales dans la mesure du possible. »

Quoiqu’elles aient eu jadis des destinations différentes, les trois maisons se ressemblent aujourd’hui ; la ferme, le dépôt de librairie, la remise du loueur de voitures sont pareilles. Après avoir franchi la porte d’entrée, on pousse une barrière qui doit rester close pendant la nuit et qui précède la cour, pavée et à ciel ouvert, rue Tocqueville et à Vaugirard, bétonnée et couverte d’un vitrage à Laghouat. Le logement, le bureau du capitaine, occupent une des ailes ; l’autre est réservée à la pouillerie, au vestiaire, au lavabo ; à Vaugirard, une chambre spéciale, munie d’un large lit, forme une infirmerie temporaire où l’on peut garder un malade pendant quelques jours, où l’on héberge une femme ahurie, qui s’est trompée, qui a pris l’Hospitalité de nuit pour la Société philanthropique et qui vient demander asile. Au fond de la cour, faisant face à la grande porte, s’élève le bâtiment de l’Hospitalité proprement dite. Il est vaste, avec quelques apparences de ces constructions où les théâtres mettent leurs décors en réserve. Deux étages : au rez-de-chaussée, le bureau d’inscription, la salle d’attente garnie de bancs, une estrade munie de chaises, un dortoir ; au premier, deux dortoirs ; des poêles de fonte dont les tuyaux rampant au-dessous des plafonds attiédissent les nuits d’hiver ; de distance en distance, des becs de gaz ; sur une table, des bidons pleins d’eau et des gobelets en fer ; au bout de chaque dortoir, une estrade pour le lit du surveillant, qui peut, d’un coup d’œil, apercevoir toutes les couchettes ; à la muraille, le Christ et un rameau de buis. Les lits sont en fer, avec un sommier en treillage, un matelas de varech, un traversin, des draps de toile et deux couvertures qui m’ont paru plus moelleuses que les couvertures du soldat en campagne. A l’extrémité du dortoir du rez-de-chaussée, un lit de camp, divisé en boxes, recueille les retardataires qui ont trouvé les lits occupés, ou est réservé aux « pratiques » trop sales pour être confiées à des draps. Au dessus des lits une pancarte inscrit le nom des donateurs ; j’y vois quelques « anonymes, » des initiales, parfois un pseudonyme : « Patchouna. »

La réception des pensionnaires est fixée par le règlement de sept à neuf heures du soir ; j’ai pu me convaincre que l’horloge du