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surmontées de couronnes de chêne et de laurier, portées par les aides-de-camp et sur lesquelles on lit :


GÉNÉRAL EN CHEF À VINGT-QUATRE ANS,
IL DÉBLOQUA LANDAU,
IL PACIFIA LA VENDÉE,
IL VAINQUIT À NEUWIED,
IL CHASSA LES FRIPONS DE L’ARMÉE,
IL DÉJOUA LES CONSPIRATEURS.


Que de choses dans ces six lignes et combien éloquentes ! Allez encore : voici Coblentz, le canon tonne, pas le français, l’autrichien ; la garnison est sous les armes et fait la haie. Le gouverneur, les magistrats, les principaux de la ville attendent à la porte ; les rues, sur tout le parcours du cortège, sont éclairées de torches funèbres et tendues de noir, comme pour un archiduc. Bientôt la voix des cloches, succédant à celle du canon, jette à travers l’espace une pluie de notes qui s’entre-choquent avec un bruit de combat : on dirait par instans qu’elles sonnent la charge et que le héros va se lever. Quelles funérailles, ou plutôt quelle triomphale entrée dans l’immortalité !

Les plus grands génies ont été contestés ; Hoche lui-même, de son vivant, avait trouvé bien des détracteurs et connu l’envie. Mort, il se fit sur sa tombe et sur sa mémoire un concert inouï d’éloges. Tels ces enfans ravis au printemps de la vie et que la tendresse d’une mère se plaît à revêtir de tous les dons. La France l’adopta comme son fils de prédilection et le mit, sans compter, dans le panthéon de ses gloires, au-dessus des plus illustres, immédiatement au-dessous du plus grand de ses grands hommes. L’histoire, ainsi qu’il arrive souvent, n’a guère fait jusqu’ici que ratifier ce jugement de la première heure. Elle l’a reçu tout libellé pour ainsi dire et l’a transmis, comme elle l’avait reçu, sans trop l’analyser, sans se demander s’il n’entrait pas dans les élémens dont il se compose un peu de sensibilité. Bref, au rebours de beaucoup d’autres sur qui la critique a promené son impitoyable scalpel, la figure du vainqueur de Wissembourg n’a rien perdu de sa pureté primitive ; elle a conservé une fleur de jeunesse mélancolique et d’austère beauté qui ne se retrouve au même degré chez aucun de ses émules. Il est demeuré tout entier et tout debout, dans sa fière allure, entouré de tous les attributs du génie : courage, honneur, vertu, modération, talens de premier ordre et dans tous les genres, en politique aussi bien que sur le champ de bataille, en diplomatie comme en administration.

L’histoire à venir ou plutôt à faire, celle qui s’écrit aujourd’hui sur pièces et documens, n’apportera-t-elle pas quelques retouches à