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arbres, rochers, montagnes sont placés là comme des types abstraits, à la manière de ces figures de rhétorique qu’un long usage a dépouillées de toute signification précise et qui, suivant les besoins de la cause, s’adaptent indistinctement à tous les sujets. Le ciel, dans les peintures campaniennes, est d’habitude rempli par une teinte plate, claire, rarement semée de taches simulant des nuages ; c’est à peine si dans quelques ouvrages plus soignés on peut soupçonner une dégradation de l’azur, qui, plus foncé au zénith, s’éclaircit légèrement à l’horizon. L’eau est traitée d’une façon presque aussi sommaire ; ordinairement d’un bleu uniforme, elle est rayée çà et là de quelques traits en zigzag pour exprimer son mouvement, ou bien un jet d’écume blanchâtre se dessine sur ses bords.

Si chaque détail, pris séparément, montre aussi peu d’étude et de vérité, que dire des ensembles où tous ces détails sont mêlés, confondus, entassés sans aucun souci de vraisemblance? Dans les solitudes qu’habite Polyphème, des portiques élégans égaient la campagne et un temple ionique, tout enguirlandé, s’élève sur les hauteurs du Caucase, à côté des rochers abrupts sur lesquels le vautour dévore les flancs de Prométhée. Parfois la composition n’est à vrai dire que la réunion de plusieurs paysages superposés à des plans divers et dont les élémens n’offrent entre eux aucun accord. Tel est notamment ce tableau cité par M. Boissier comme la merveille du genre, dans lequel le peintre, en représentant l’aventure d’Actéon, paraît n’avoir eu d’autre but que de rassembler dans une seule œuvre « tous les genres de paysage qu’on exécutait à Pompéi, sans se préoccuper de l’effet produit par cet ensemble bizarre. »

Quand, par hasard, l’artiste semble s’être proposé de représenter un site déterminé, il nous est impossible de reconnaître quel lieu il a eu en vue, non-seulement parce que l’aspect de ce lieu a pu changer, mais surtout parce que le portrait manque trop de fidélité et de précision. Sommes-nous en Grèce ou bien en Italie? Quel est ce temple? quelle est la destination de ces vastes édifices? Le doute est permis en présence de ces vagues représentations dans lesquelles on ne saurait jamais affirmer l’identité des accidens pittoresques même les plus connus, de ceux dont les formes pouvaient être le plus facilement reconnaissables, comme le Vésuve ou comme les îles aux silhouettes si nettement découpées qui sont semées dans la baie de Naples.

Il n’y a pas à hésiter, il est vrai, sur le caractère franchement égyptien de certains paysages que l’on rencontre en assez grand nombre parmi les peintures campaniennes et qui constituaient un motif de décoration fort usité à cette époque. Le type le plus remarquable de ces paysages n’appartient cependant pas à la peinture ;