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sont renversées de part et d’autre de telle sorte que les arbres placés à la partie inférieure se trouvent avoir la tête en bas. La taille de l’homme est démesurément grandie, à ce point que les assiégeans d’une ville dominent ses murailles et arrivent au niveau de leurs ennemis abrités derrière les remparts. Parfois les personnages cheminent échelonnés le long d’une ligne étroite qui se continue indéfiniment unie et plate sous leurs pieds et simule le terrain, comme si cette simplification outrée devait nous donner l’impression de ces vastes plaines de la Mésopotamie qui se déploient à perte de vue. D’autres fois, au contraire, des chèvres sauvages ou d’autres animaux sont semés comme au hasard sur un fond uni, où l’absence même de tout accident provoque une impression pareille d’espace et d’immensité. Quant à la végétation, nous la trouvons caractérisée d’une manière très sommaire, mais suffisamment reconnaissable dans ses principales essences : des palmiers, des cyprès, des pins, et, au bord des marais, des roseaux et des prèles. Ces plantes s’offrent à nous toujours semblables, jamais spécifiées par des différences de port, qui, il faut bien le reconnaître d’ailleurs, sont moins tranchées pour les arbres de ces contrées que pour ceux des nôtres. L’artiste, quand il veut indiquer une forêt, se contente d’espacer à des distances égaies, alternant avec les personnages ou les animaux, des palmiers aux branches symétriquement disposées en éventails.

Ces divers végétaux, ainsi que les marguerites, les fleurs de lotus ouvertes ou en boutons qui concourent également à la décoration des édifices, du mobilier ou des bijoux, sont le plus souvent imités d’une manière assez exacte, mais, à côté de ces élémens copiés sur nature, on rencontre aussi des plantes imaginaires dont les formes sont tout à fait conventionnelles, ou si librement traduites qu’il est impossible de distinguer le type originel auquel elles se rapportent. Tel est entre autres cet arbuste mystérieux, aux tiges entrelacées, d’où sortent des touffes de panaches et des fruits qu’un homme agenouillé cueille avec un soin respectueux. (Bas-relief du musée du Louvre.)

En résumé, avec ses incohérences dans la figuration des terrains, et ses cours d’eau dont l’équilibre hasardeux devait être imité par l’art gothique, la perspective des Assyriens est tout à fait enfantine. Ses tracés ne procèdent d’aucune règle certaine, mais l’artiste s’efforce, par les expédiens auxquels il recourt, de mettre en évidence les traits pittoresques qu’il veut nous faire connaître et, en dépit de ses hérésies, il parvient à manifester sa pensée avec une certaine clarté. Compris et rendu ainsi, le paysage n’est jamais autre chose cependant qu’un fond de décor assez banal. Dans ces œuvres impersonnelles, l’exécution ne présente aucune différence bien notable.