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ment construits à la campagne, ils servent quelquefois, pendant l’été, de villas de plaisance. Dans les familles nombreuses, on s’y réunit souvent ; ainsi aux fêtes du mariage, à l’époque des examens. Toutes les joies de la famille se passent en famille, c’est-à-dire au milieu des ancêtres, et ce sont ainsi chez eux des absens qui ne sont pas oubliés.

Ces usages sont les mêmes dans toutes les provinces de la Chine. Dans chaque village, où presque tous les habitaus sont parens, on voit des chapelles dédiées aux ancêtres. C’est notre clocher.

L’empereur honore le fonctionnaire qui a rempli avec dévoûment et intelligence les hautes charges qui lui ont éié confiées durant sa vie, — non pas en lui élevant une statue, — mais un temple où sa postérité célébrera le culte des ancêtres. Aux époques anniversaires, ces cérémonies se font non-seulement en présence des membres de la famille, mais l’empereur y envoie des délégués qui le représentent. Ce temple porte en inscription le nom et les titres du fonctionnaire défunt et rappelle les services éminens qu’il a rendus à l’état. Cet honneur ne s’accorde que rarement : c’est le bâton de maréchal de la famille.

xiii. — l’œuvre de la sainte-enfance.

Une formule, célèbre en Europe, a vanté l’art de mentir : « Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose ! » On ne peut pas donner de meilleure preuve de la vérité de ce principe que l’opinion qui s’est faite en France sur le sort de certains petits Chinois que leurs cruels parens jetaient aux immondices et abandonnaient à la voracité d’animaux domestiques, hôtes ordinaires de la fange.

En soi, cette œuvre de la Sainte-Enfance a un caractère si touchant, quand au nom de l’enfance misérable, on réunit les petits sous de l’enfance heureuse, ces sous qui représentent les friandises inutiles et qui deviennent un trésor, qu’on ne peut s’empêcher d’admirer et de croire à la fable. Ces pauvres petits Chinois jetés aux… quelle imagination perfide a pu inventer une pareille infamie !

Certainement, dans bien des esprits, cette opinion n’a pas été conservée, car bon nombre de voyageurs qui ont visité ces contrées de l’extrême Orient ont démenii cette calomnie outrageante ; mais l’œuvre continue toujours à prospérer en Chine, et on pourrait s’imaginer qu’il en est de même de la cause.

Il m’est arrivé, à moi personnellement, dans Paris, d’entendre derrière moi une vieille dame qui disait en me désignant : « Voilà un Chinois ! Qui sait si ce ne sont pas mes sous qui l’ont acheté ? » Elle n’avait pas, fort heureusement pour moi, son titre de propriété très en règle, sans quoi j’eusse été sans doute exposé à lui donner