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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

Les votes successifs obtenus jeudi dernier, 29 mai, de l’assemblée générale des actionnaires du Canal de Suez par le conseil d’administration de cette compagnie, consacrent définitivement le triomphe de M. de Lesseps sur l’opposition aveugle ou intéressée qui poursuivait le rejet de la convention de Londres. Cette assemblée générale a été le principal événement financier de la quinzaine. L’issue en était attendue avec une vive curiosité, bien qu’il n’y eût guère de doute sur le sort des propositions qui lui devaient être soumises. M. de Lesseps a infligé à ses adversaires une défaite si complète que la question se trouve désormais réglée sans retour. Les votes émis par l’assemblée de mardi ouvrent une nouvelle période dans l’existence de la compagnie. On sait qu’il s’agissait de compléter l’œuvre de l’assemblée du 12 mars. Les actionnaires avaient, ce jour-là, ratifié les arrangemens conclus entre M. Ch. de Lesseps et le comité des armateurs anglais en tout ce qui concernait les détaxes successives. Mais la réunion ne s’était plus trouvée en nombre suffisant lorsqu’il avait fallu se prononcer au sujet de l’augmentation du nombre des administrateurs, pour y admettre sept représentans de la marine marchande et du commerce anglais.

Les engagemens pris par le conseil étaient formels. Les concessions faites aux Anglais sur la décroissance des prix du transit auraient perdu toute leur valeur si les actionnaires avaient refusé à M. de Lesseps l’autorisation d’ouvrir largement aux plus forts cliens de la compagnie du Canal la participation aux travaux de la direction. Les actionnaires l’ont compris, et la proposition de porter à trente-deux le nombre des membres du conseil a été adoptée par 2,608 voix contre 556.

Les actions de Suez ont fléchi le lendemain de l’assemblée. Il n’y a rien là que de naturel. C’est l’effet constant du fait accompli. Les spéculateurs qui avaient pris position à la hausse en vue d’une issue heureuse de la lutte engagée par M. de Lesseps comptaient se dégager à la faveur de la reprise qui ne manquerait pas de suivre la victoire. La reprise est venue, mais n’a duré qu’une demi-heure par la seule raison que trop de gens en ont voulu profiter. De plus, il faut constater que, depuis quelque temps, les recettes quotidiennes sont en déficit; enfin un journal anglais, enregistrant hier matin les résultats de l’assemblée,