Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 63.djvu/723

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au total, le roi Alphonse par le en prince sincèrement ami de la paix et des bonnes relations avec tous les pays, surtout avec les voisins. La partie de son discours qui touche à la politique intérieure a un accent conservateur décidé, sans dépasser néanmoins les limites d’une stricte et habile modération; mais ce n’est là évidemment qu’une expression mitigée ou incomplète de la politique qui règne aujourd’hui à Madrid, et ce que le roi n’a pas dit, le président du conseil, M. Canovas del Castillo, n’a point hésité à le dire dans quelques réunions qui ont précédé l’ouverture des cortès. Le chef du cabinet espagnol, dans ses entretiens avec ses amis, avec les membres de sa majorité, s’est exprimé aussi nettement que possible sur la politique très résolument conservatrice qu’il veut pratiquer, sur le système de conduite qu’il entend suivre avec les partis. Strictement constitutionnel dans ses actes, acceptant sans récrimination les lois qui ont été faites par les ministères libéraux de ces dernières années, il n’entend entrer en transaction ni avec les partis ennemis des institutions, ni même avec les partis qui par leurs complaisances pourraient préparer le succès des adversaires de la monarchie. Il ne dissimule pas qu’il peut y avoir des dangers; mais c’est précisément parce que, dans sa pensée, ces dangers auraient été créés par les derniers cabinets libéraux qu’il est décidé à résister. Ces déclarations n’ont pas laissé de provoquer une émotion assez vive dans l’opposition, chez les républicains comme chez les amis de M. Sagasta et du dernier cabinet de la gauche dynastique. Évidemment la guerre des partis se prépare et elle va être vive dans la prochaine discussion de l’adresse. Seulement, le ministère a pour le moment un avantage assez sérieux, c’est que ses adversaires de toutes les fractions de l’opposition ne sont pas plus unis qu’ils ne l’étaient il y a quelques mois. M. Sagasta ne s’entend pas avec la gauche dynastique, qui ne s’entend pas avec les républicains, et avec l’habileté qui ne lui manque pas, en sachant rester modéré, suffisamment libéral, M. Canovas del Castillo a bien des chances de défendre victorieusement une situation, — où il reste, il est vrai, toujours l’imprévu, ce souverain de toute chose qui règne au-delà des Pyrénées et même ailleurs.


CH. DE MAZADE.