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Cavour, il était entré dans la chambre des députés pendant le règne du roi Louis-Philippe, et depuis, sous la république comme sous le second empire, dans la mesure où les temps le permettaient, il n’avait cessé de se mêler aux affaires; il s’y mêlait avec toute l’ardeur d’une nature active et militante, avec plus de dévoûment que d’ambition pour lui-même, surtout avec un sentiment libéral qui faisait de lui, dès le 2 décembre 1851, un des plus vifs adversaires du régime dictatorial qui allait devenir le régime impérial. Exilé des assemblées par la révolution de 1848, encore plus par l’empire de 1852, il s’était adonné aux travaux de l’esprit; il écrivait successivement l’Histoire de la politique extérieure du gouvernement français de 1830 à 1848, une Histoire de la réunion de la Lorraine a la France, un livre considérable, aussi instructif que saisissant, sur l’Église et le Premier Empire. Ses écrits, à vrai dire, étaient tout à la fois une noble satisfaction pour son esprit, et un peu aussi une manière de continuer la guerre libérale contre le second empire. Lorsque venaient les jours sombres de 1870, M. d’Haussonville restait à Paris pendant le siège; il se montrait partout, toujours prêt à se dévouer pendant ces mois douloureux où M. le président Bonjean, le futur martyr de la commune, montait la garde aux avant-postes, et où le vieux M. Piscatory trouvait, dans une nuit passée aux remparts, le mal qui allait le tuer. Plus que tout autre, M. le comte d’Haussonville ressentait, dans son cœur de vieux Lorrain, la cruelle paix de 1871, qui démembrait la France, et dès lors il s’était fait le promoteur de cette Société de patronage des Alsaciens-Lorrains dont il n’a cessé d’être le conseiller et le guide, multipliant les secours, créant un asile au Vésinet, allant fonder en Algérie des villages destinés à recevoir les émigrans des provinces perdues. C’est l’œuvre sérieuse et touchante de ses dernières années. Nommé sénateur inamovible, il avait porté au Luxembourg sa bonne grâce et son libéralisme. Il s’était fait aimer et respecter même de ses adversaires, non-seulement pour son caractère, mais encore parce qu’avec des opinions qu’il ne déguisait pas, il était toujours disposé à se prêter aux transactions honorables, à tout ce qui pouvait être utile. Il ne faisait rien par calcul d’opposition systématique. M. le comte d’Haussonville avait la passion du bien, le goût des choses généreuses, avec l’ardeur d’un patriote et les sentimens d’un franc libéral; il avait aussi un esprit aimable et fin qu’il a montré plus d’une fois à l’Académie française. C’était un galant homme politique et écrivain, dont la mort imprévue est sûrement une perte pour les causes qu’il servait, pour la France qu’il aimait, qu’il mettait au-dessus de tout.

Où en sont maintenant les affaires de l’Europe, et pour préciser un peu plus la seule question qui occupe sérieusement, à l’heure qu’il est, les chancelleries, où en est l’affaire égyptienne? Il est certain qu’à