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commencé des futurs professeurs autour des chaires de facultés et de rendre ainsi plus facile l’action que l’enseignement supérieur doit exercer sur tout l’enseignement public. Ne sont-ce pas en effet les grands établissemens scientifiques et les facultés qui renouvellent sans cesse la matière de l’enseignement? Et ne peut-on pas espérer que, lorsque les facultés feront faire à tous les candidats au professorat l’apprentissage de la vie intellectuelle, ceux-ci sentiront le besoin de tenir leur esprit au courant des travaux et des découvertes, au lieu de cheminer, comme ils font aujourd’hui, en sommeillant dans l’étroite routine de leur métier? N’oublions pas que l’enseignement supérieur, en d’autres pays, pénètre et vivifie l’enseignement secondaire, même l’enseignement primaire, soit directement par l’éducation donnée aux professeurs, soit indirectement par le livre. Il importe aux enfans assis sur les bancs d’une école de village, à plus forte raison aux élèves des lycées et collèges, que l’on étudie en Sorbonne les sciences dont leurs maîtres et leurs livres ne leur donnent que les élémens, et que maîtres et livres soient attentifs à tout progrès. Autrement, ils demeurent stationnaires : le maître enseigne comme il a été enseigné lui-même; grammaires, histoires se répètent et se copient : le travail qui se fait en haut et qui devrait être le patrimoine commun de la nation, ne profite qu’à un petit nombre et n’est mis en valeur que dans les pays étrangers. L’enseignement supérieur enfin ne peut remplir sa mission, qui est d’assurer le progrès perpétuel de la science, mais aussi de la rendre populaire en la faisant pénétrer partout.

Les universités, quand elles prospèrent, ne préparent pas seulement aux pays qui les possèdent, des juges, des magistrats, des médecins, des professeurs : elles prêtent à l’agriculture et à l’industrie le secours de la science étudiée dans leurs laboratoires. La puissance productive de la science s’est révélée de nos jours. Les plus ignorans savent qu’à la science sont dus les progrès de la métallurgie, par lesquels a été transformée l’industrie, ceux de la mécanique et de la chimie, qui ont renouvelé l’art de la guerre, et ils admirent chaque jour quelque application nouvelle de l’électricité. Toutes ces choses, grandes, belles ou terribles ne se préparent-elles pas dans les laboratoires? Le monde entier connaît le nom de M. Pasteur, ce grand nom qui honore la France. N’est-ce pas dans son laboratoire de l’École normale que M. Pasteur a trouvé le remède à ces maladies qui prélèvent sur nos industries agricoles un si lourd tribut? sans doute les Pasteur, les Bernard, les Dumas, les Wurtz se sont formés sans que nous ayons d’universités en France, et les universités n’absorberont jamais en elles toute la vie intellectuelle du pays; l’esprit continuera de souffler où il veut, et le génie demeurera chose individuelle et mystérieuse; mais