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toute sorte, la bonne tradition : M. du Mesnil, qui a dirigé l’enseignement supérieur jusqu’en 1879, et M. Dumont, qui lui a succédé. L’histoire de notre enseignement supérieur depuis 1868, que l’on pourrait écrire, à l’aide de la statistique de 1878, dont la remarquable préface est de la main de M. du Mesnil, et des lois, décrets, arrêtés, circulaires, conventions avec les départemens et les villes, qui se sont accumulés depuis cette date, montrerait que notre pays, au sortir d’une crise terrible, alors que l’armement national et l’enseignement populaire lui imposaient de si lourds et si pressans devoirs, s’est honoré par des sacrifices faits pour développer en France la haute culture intellectuelle.

En 1868, l’état, lorsqu’il avait perçu les droits d’examen et d’inscription, se trouvait dépenser en tout et pour tout 200,000 fr. pour l’enseignement supérieur; le budget de cet enseignement est aujourd’hui de 11 millions; mais nous avons aussi un budget extraordinaire fourni par les cotisations de l’état, des départemens et des communes. Depuis 1868, une somme de 82 millions a été votée par les chambres, par des conseils généraux et des conseils municipaux pour la reconstruction des bâtimens affectés au service de l’enseignement supérieur: la part de l’état est de 30 millions, celle des villes de 49. Quelques villes de province : Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier se sont distinguées entre toutes les autres. A Paris, l’École de médecine, qui étouffait autrefois dans les 2,500 mètres carrés qui lui étaient attribués, va s’étendre à l’aise sur une superficie de 16,000 mètres. Elle rejoindra presque la Sorbonne, qui verra s’élargir son emplacement de 2,000 à 20,000 ou même 24,000 mètres carrés. La Sorbonne nouvelle touchera le Collège de France, qui va s’agrandir, et elle confinera d’autre part à l’École de droit. L’Université de Paris reprend donc possession de la montagne universitaire, au sommet de laquelle se dresse l’immense monument bâti pour l’École de pharmacie. Tous ces sacrifices sont un bel hommage rendu à l’enseignement supérieur; mais l’argent qu’on emploie au service des hautes études n’est qu’un auxiliaire, et l’état a d’autres devoirs envers la science ; s’il ne peut ni créer la science ni faire des savans, il doit aménager les institutions de telle sorte que la science et les savans soient pour ainsi dire incités à se produire. L’état a été bien inspiré quand il a fondé des instituts scientifiques : l’École archéologique de Rome[1], qui est, comme en Grèce l’École d’Athènes, une grande mission permanente en Italie, et l’École du Caire, où M. Maspéro continue les traditions de ses grands devanciers; quand il a doté le Collège de France de chaires nouvelles d’un caractère scientifique, élevé de nouveaux

  1. Voir l’École française de Rome, par M. Geffroy. Paris, 1884.