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Darius, les ambitions des conquérans rêvaient de pénétrer au-delà de ce pays des Scythes indomptés, chez ces peuples dont ils connaissaient à peine le nom, on se convaincra sans doute que la Chine est historiquement le plus ancien des états de la terre et en possession des traditions les plus exactes de la race humaine.

La Chine n’a dû qu’à sa situation géographique d’avoir été épargnée par les conquêtes. À l’est, elle a les mêmes frontières que l’Océan, c’est-à-dire un vaste continent inhabité ; au nord, les glaces du pôle ; au sud, des chaînes de montagnes et des tribus errantes. Ce n’est qu’à l’ouest qu’elle est menacée. Mais les peuples qui s’étendent de ce côté de ses frontières lui servent de bouclier, et, pendant toute l’antiquité, la Chine entend le bruit lointain des combats et assiste, sans y prendre part, à tous les bouleversemens sociaux.

À partir du moment où le silence établit son empire entre nos grandes murailles et le tombeau d’Alexandre, notre isolement devient absolu : il a été le même durant toute l’antiquité.

Supposez une tribu appartenant à la race la plus antique de l’humanité et oubliée du reste du monde dans un coin de la terre, se développant d’après la loi de nature, selon la notion du progrès, c’est-à-dire avec l’intuition du meilleur, cherchant ses propres ressources en elle-même, ne songeant pas à sortir des limites dans lesquelles elle vit ; au contraire, croyant habiter un monde distinct des autres, et vous vous représenterez la nation chinoise, que personne ne peut connaître, parce qu’elle est un type unique dans l’humanité.

On ne peut connaître, en effet, qu’en comparant, et on ne peut comparer que deux termes ayant des points de contact, autrement on verse dans l’erreur. C’est là l’origine de tous les préjugés qui ont cours sur la Chine et sur les Chinois.

Ce qui m’étonne, c’est que la Chine soit dédaignée même par les savans, et que nos lettres aient moins de faveur auprès d’eux que les hiéroglyphes de l’Égypte. Cependant il serait assez curieux de constater que nos maximes philosophiques ont précédé celles des grands maîtres de la Grèce, que nos arts florissaient à une époque où Athènes était encore à fonder et que nos principes de gouvernement étaient en vigueur longtemps avant que les souverains de l’Égypte eussent dicté leurs codes. Ce sont là des sujets dignes d’attirer l’attention et qui méritent au moins autant d’intérêt que l’étude des inscriptions chaldéennes.

Quoi qu’il en soit, m’étant proposé de m’instruire dans la connaissance des antiquités et de savoir l’opinion des érudits de l’Occident sur l’origine du monde, j’ai consulté les sources et je n’ai rien appris de très défini sur la question.

Il y a environ six mille ans, le premier homme aurait paru sur