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plus du même ordre. C’est le principe qui change, et l’on invente des caractères appelés tze (mots), écrits d’après la prononciation de l’objet. C’est l’écriture des sons.

Plus tard encore, sous le règne de l’empereur Tsang-Ouang, de la dynastie de Tcheou (783 avant J.-C), un académicien nommé Su-Lin introduisit le principe naturel des objets dans l’écriture. Ces lettres s’appellent ta-tchiang. Elles ont été conservées dans les livres sacrés Y-King, les seuls qui aient échappé aux flammes lors de l’incendie des livres ordonné par l’empereur Tsin-Su-Hoang.

Ces lettres ta-tchiang ont servi pour l’enseignement public jusqu’à l’époque où s’opéra la nouvelle transformation sous le règne de Tsing (246 avant J.-C). Cette transformation ne porta que sur les traits, qui devinrent plus droits et en relief. Ces caractères s’appellent les baguettes de jade et sont encore utilisés aujourd’hui dans les sceaux officiels. Les inscriptions placées sur les édifices et celles qui figurent sur les vases de grand prix appartiennent aussi à cette écriture.

Un siècle plus tard, un nouveau progrès est accompli : il est obtenu par la combinaison de toutes les lettres anciennes. Les caractères ainsi formés sont plus réguliers dans les lignes, et notre écriture actuelle n’en diffère pas beaucoup.

Toutes ces transformations successives montrent avec quel art sont composés nos caractères, où tant de principes divers ont été appliqués. Ils se perfectionnent lentement, d’âge en âge, et chaque siècle leur donne une nouvelle physionomie, plus en rapport avec les progrès de l’intelligence. C’est comme un diamant d’abord à l’état brut, rugueux et sombre d’éclat, mais qui, peu à peu, est usé, limé jusqu’à découvrir les facettes de son cristal limpide et profond.

Cependant notre écriture n’est pas encore fixée. Au commencement du Ie siècle, un sous-préfet nommé Tcheng-Miao est jeté en prison. Il adresse à l’empereur une demande en grâce et compose ses caractères en prenant pour base l’écriture li. Trois mille mots se trouvaient dans cette demande, et leur mode de formation étant plus simple et plus facile que le mode jusqu’alors adopté, l’empereur, faisant droit à la requête, ordonna en même temps l’introduction du système li dans l’écriture publique.

C’est sous la dynastie des Han que fut opérée la dernière transformation importante de la langue écrite. Un conseiller de l’empereur, voulant donner à son souverain des informations rapides sur les diverses requêtes qui lui étaient adressées, imagina une écriture demi-cursive ayant toujours pour base le système li, et c’est cette écriture qui, cinq siècles plus tard, devait, en se transformant en