Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 63.djvu/592

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peut se défendre d’une impression devant cette figure pour ainsi dire impersonnelle et archétypique.

M. Cot est mort il y a un an à peine, en pleine possession d’un talent qui n’avait pas cessé de grandir. On n’a pas oublié le beau portrait de jeune femme, en robe rouge, qu’il exposait au Salon de 1882, et qui, en 1883, tenait dignement sa place à l’exposition des portraits du siècle. Ce peintre, à qui s’ouvrait hier l’avenir, et qui désormais appartient au passé, a deux œuvres encore au Salon de 1884 : le portrait d’une dame âgée, dont la tête est finement étudiée et dont la robe de satin noir est largement peinte, et le portrait de M. le professeur Richet. M. Richet est debout, le corps de trois quarts, la tête de face. Sa main gauche s’appuie sur une table de chêne, où elle écrase du pouce, d’un mouvement énergique, un volume qui y est posé ; la main droite, qui tombe naturellement le long de la cuisse, tient un gant. La robe noire et pourpre du professeur à la faculté de médecine couvre le dossier d’un fauteuil, cachant à demi dans ses plis le cordon rouge de commandeur. La figure a de la grandeur, et sur la face, bien modelée en pleine lumière, M. Cot a marqué les principaux caractères physiognomoniques du modèle, la gravité de l’expression générale, la bienveillance de la bouche et l’énergie de l’arcade sourcilière.

Avec le portrait du célèbre chirurgien s’ouvre la galerie des contemporains plus ou moins illustres. Voici le portrait de M. Ferdinand de Lesseps, bien mollement peint par Mlle Louise Abbéma; voici le portrait de M. Marcel Desprez, par M. Cormon, qui passe subitement des chasseurs de l’âge de la pierre aux savans du siècle de l’électricité; voici le portrait, tout à fait impressionniste, de M. Francis Magnard, par M. Besnard, et le portrait, non moins impressionniste, de M. Alfred Stevens, par M. Gervex. Voici encore M. Pasteur, par M. Lafon; Mme Ackermann, par M. Merwart; M. Eugène Manuel, par M. Alphonse Hirsch; M. Armand Silvestre, par M. Amand Gautier ; M. Edouard Drumont, par M. Dupuis ; M. Emile Perrin, par M. Joseph Blanc; M. Henry Fouquier, par M. Axentowicz; M. Magnin, par M. Ronot; M. de Thémines, par M. May, qui se sert pour peindre non point d’une brosse, mais d’un couteau à palette, si ce n’est d’une cuiller ou d’une truelle. Voici enfin le portrait de M. Robert Fleury, par son fils, M. Tony-Robert Fleury. Le maître est représenté assis dans son atelier, devant une grande esquisse de la Mort de Léonard de Vinci. C’est un portrait d’une belle tenue, sobre d’effet et sévère de facture. Les mains sont remarquables, et la tête, fort ressemblante, est scrupuleusement étudiée dans tous les détails que l’âge multiplie sur la face humaine. Par l’excellent petit portrait de femme que M. Tony-Robert Fleury expose aussi, il montre qu’il sait varier