moine qui se tient près d’elle, sévère et impassible comme le Destin, forment un groupe de beau style. La couleur, où dominent les bleus foncés des falaises et de la mer et les jaunes pâles des herbes desséchées, de la grève et du ciel doré par le soleil couchant, module cette gamme particulière chère aujourd’hui aux élèves de Rome ; on en trouve la donnée dans la nature, qui étend le bleu du ciel sur les sables de la mer et du désert. Croyez que si, au lieu d’une robe bleue, le peintre avait vêtu Édith d’une robe rouge, l’harmonie fine et originale de ce tableau serait détruite.
On ne nous demandera pas de décrire la vaste composition de M. Matejko, laquelle représente Albert de Prusse prêtant le serment de fidélité au roi de Pologne sur la grande place de Cracovie. Auprès du tumulte, de la presse et de la confusion qui se trouvent dans cette toile, de dimension peu commune, les Noces de Cana paraîtraient vides de figures et la Naissance de Henri IV semblerait calme. Les pourpoints de velours, les dalmatiques de brocart, les bannières de soie, les armures damasquinées, les couronnes, les gardes d’épées, les aiguières, les colliers d’ordres, l’acier, l’or, l’argent, les pierreries, tout reluit, tout brille, tout étincelle, ou plutôt tout luirait, tout brillerait, tout étincellerait si le peintre s’était décidé à amortir le bleu trop vif d’une grande échappée de ciel et le rouge criard, étalé presque en teinte plate sur le vaste tapis qui couvre l’estrade royale. M. Matejko prouve dans toutes les autres parties de son tableau qu’il est un maître coloriste, mais il a trop présumé de sa science et de son habileté. Aucune couleur, si puissante qu’elle soit, si vibrante qu’arrivent à la rendre ses complémentaires, ne saurait conserver sa valeur tonique à côté d’une pareille nappe de vermillon. Pour se reposer les yeux, il est bon de regarder la petite Jeanne d’Arc, que, sous prétexte d’effet nocturne, M. Berteaux a peinte en grisaille, écoutant ses voix dans un champ de choux. Puis, après avoir jeté un regard sur le Desgenettes s’inoculant la peste, de M. Lucien Mélingue, on pourra de nouveau revenir aux coloristes, à M. Lesrel, qui montre la chaude pénombre de l’Atelier de Rembrandt et à M. Escalier, qui dit la Bonne aventure sur un escalier de marbre tout inondé de soleil. Cette grande composition décorative, brossée d’un pinceau libre et facile dans des tonalités très claires, rappelle un peu la manière de Tiepolo. Les brillans costumes des gentilshommes et des grandes dames de la cour de Louis XIII, les guenilles pittoresques des bohémiens, drapés comme par Callot, les frais horizons du paysage, les magnificences du décor architectural forment un ensemble du meilleur effet.
M. Jean-Paul Laurens a accoutumé de mettre un cadavre dans chacun de ses tableaux ; cette fois, il en a couché quatre dans un tout