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LE
SALON DE 1884

A écouter les peintres, l’Exposition de 1884 vaut mieux que les précédentes; à entendre le public, ce Salon est très inférieur aux autres. Nous serions bien tenté de dire, comme Pierrot à Charlotte, que c’est toujours la même chose. Mais on pourrait attribuer ces paroles à l’esprit de conciliation, et, d’ailleurs, nous sommes un peu de l’opinion des peintres. Sans qu’il ait, il s’en faut, une grande signification esthétique, le Salon nous paraît plus varié d’aspect, plus agréable d’impression, plus riche en œuvres de mérite que la plupart des derniers Salons, et expressément que celui de 1883. A la vérité, il n’y a point de débuts éclatans, mais quelques peintres, jeunes et déjà connus, s’approchent de la maîtrise. Le Salon nous semble aussi moins inquiétant, comme tendances, pour l’avenir de l’école. Les peintres reviennent aux sujets élevés, à l’histoire, aux figures héroïques ou religieuses. On abandonne le genre. L’impressionnisme perd du terrain. Cette technique passe de mode et cet idéal en sens inverse pourrait bientôt devenir suranné. Les scènes banales ou vulgaires de la vie contemporaine, qui envahissaient hier des toiles de cinquante mètres superficiels, sont plus modestes et demeurent dans les petits cadres d’où elles n’auraient dû jamais sortir. D’autre part, il y a au palais des Champs-Elysées, en comptant les portraits et les paysages, une quarantaine de tableaux très intéressans, et une dizaine d’œuvres tout à fait de premier ordre. C’est autant qu’on peut en demander à un Salon annuel.