l’espérer, ne leur parut pas tant une menace à tous les trônes qu’un coup de fortune dont il fallait se hâter de profiter. Aussi, quand au bout de quelque temps la nécessité d’une guerre prochaine commença d’apparaître, ne fut-ce pas sans quelque mécontentement que la Prusse, mais surtout l’Autriche, se détournèrent de la Pologne pour observer la révolution. C’est l’explication naturelle, sinon de la mauvaise grâce, tout au moins d’une certaine froideur avec laquelle elles accueillirent d’abord les émigrés, et les princes eux-mêmes. C’est l’explication des réponses constamment dilatoires que l’empereur Léopold, jusqu’à son dernier jour, ne cessa d’opposer aux sollicitations éperdues de Louis XVI et de Marie-Antoinette. C’est l’explication enfin de l’espèce de mollesse, de négligence, d’incurie même avec laquelle fut préparée la guerre, et conduite lorsqu’elle fut une fois commencée. Si les sympathies stériles des souverains ne lui manquèrent pas, la fille de Marie-Thérèse ne trouva pas dans son frère, ni même dans son neveu d’Autriche, un appui beaucoup plus solide, un secours beaucoup plus efficace que jadis, dans son frère, et dans son neveu de France, la fille d’Henri IV. Ce n’est guère, en effet, qu’au lendemain de la mort de Louis XVI, quand l’attentat leur eut donné la mesure de ce que pouvait oser la révolution, qu’ils ouvrirent enfin les yeux et comprirent qu’il y allait d’eux-mêmes avec tout ce qu’ils représentaient. Fort indifférente aux émigrés, peut-être même plutôt hostile, l’Europe se réveilla quand, elle se sentit elle-même attaquée. On peut donc prétendre, dans une certaine mesure, que ni la Prusse ni l’Autriche, encore moins l’Angleterre, ne provoquèrent la France, et ainsi rendre, si on le veut, la France responsable d’avoir inauguré l’ère de sang qui s’ouvrit le 20 avril 1792 pour ne se clore que vingt-trois ans plus tard.
Ce qu’il y a de vrai dans ces considérations, je ne dirai pas que M. Forneron l’ait tout à fait négligé, mais à quoi surtout il s’est attaché, c’est à la conclusion que nous venons de reproduire. Voici comme il s’exprime : « Le 30 avril 1792, les girondins font déclarer la guerre, sans prévoir que cette guerre va durer vingt-trois ans, qu’elle tuera tout d’abord la Pologne, que la civilisation va être privée de trois millions de mâles de races supérieures et de l’influence de la France sur le monde. Le monde en sortira épuisé, la France meurtrie pour toujours, mais qu’importent les destinées de la France et de l’humanité aux maniaques de l’égalité ? Cet arrêt dans la civilisation produit la république ; ils l’ont. » Analysons cette seule phrase, et nous pourrons nous en tenir là, car je ne crois pas qu’il fût facile à un autre historien, quand il s’y étudierait, d’entasser en aussi peu de mots autant d’inexactitudes.
Et qui sont d’abord ces « maniaques de l’égalité » dont on parle ? Ce ne sont pas les montagnards, sans doute, puisque tout le monde sait aujourd’hui qu’il ne dépendit pas de Robespierre d’empêcher la