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de guerre succède à l’état de paix ; émigrés et conventionnels ne sont plus les uns pour les autres citoyens d’une même patrie ; je ne vois plus que des étrangers en présence ; et sur ce principe, je crois pouvoir affirmer que tous les anciens jurisconsultes fussent tombés d’accord pour reconnaître à l’état le droit de confiscation des propriétés ennemies. Or, c’est à la fin du mois de mars 1792 seulement que le séquestre fut mis sur les biens des émigrés. Donc il n’est pas permis de faire figurer les décrets sanguinaires des assemblées parmi les « causes » de l’émigration, et l’on serait fondé plutôt à soutenir que c’est l’émigration qui a été, au contraire, la « cause » de ces décrets. Il convient d’ajouter qu’au mois de février 1791 la constituante avait repoussé la proposition même d’une loi sur les émigrés et que l’unique décret qu’elle ait porté contre eux s’était borné à frapper leurs biens d’une imposition triple. Mais, entre autres licences que M. Forneron s’est données, je n’en vois guère de plus exorbitante que de s’être dispensé de toute chronologie dans l’exposé des faits. Comment la question même de l’émigration s’est posée devant les assemblées, à quelle occasion, quel jour, dans quelles circonstances ; lois et décrets, qui les a proposés, quand, et dans quels termes ; qui les a votés, sous quelles restrictions, ou étendus à des catégories nouvelles, et dans quelles conditions ; c’est le moindre souci de M. Forneron, et dans cette Histoire des émigrés, autant que l’on rencontré de déclamations superflues et de personnalités inutiles, aussi peu trouve-t-on de textes utiles et de dates nécessaires.

En second lieu : soulèvemens populaires, émeutes, pillages en bandes, menaces de mort, incendies, rapines, assassinats, que valent de semblables raisons pour ceux qui forment la première et seule coupable émigration ? le comte d’Artois, par exemple, ou le prince de Condé ? quel si grand danger personnel, urgent, inévitable, les a forcés de fuir, eux et ceux qui les ont suivis, lorsque tout autour d’eux leur faisait un devoir de rester ? et quand le danger même eût été plus grand, ceux qui sont nés sur les marches du trône ont-ils le droit, pour conserver des maîtres à des sujets rebelles, de quitter la place à la rébellion ? une noblesse de cour, une aristocratie militaire peuvent-elles invoquer l’excuse de la peur, ou peuvent-elles convenir seulement d’avoir cherché leur salut dans la fuite, aux dépens de la liberté, de la sécurité, de la vie même du prince ? Mais maintenant, leurs propos, leurs démarches, leurs intrigues, leurs menaces, pendant plus de deux années entières, en fournissant aux orateurs des clubs et de la place publique un thème trop facile, qui dira pour quelle part elles ont contribué dans les agitations populaires qui sont à leur tour devenues la cause de la grande émigration ? Qui le dira ? Ce n’est pas M. Forneron, lui qui n’a pas même dit un mot des disettes et des famines où les excès pourraient trouver une espèce d’atténuation.