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POÉSIE

LES REGAINS.

Ce n’était pas encor l’automne,
Ce n’était presque plus l’été ;
Déjà le tic-tac monotone
Disait que le seigle est coupé.

Mais le doux arôme que j’aime
Des prés s’exhalait de nouveau,
Nous apportant l’adieu suprême
Des fleurs qui paraient le coteau,
 
Des fleurs qui, dans l’herbe touffue,
Ondoyaient, mobile décor,
Fraîche vision disparue,
Que le regard poursuit encor…

Et je songeais à la parole
Du roi qui compare nos jours
À cette éphémère corolle
Que la faux tranche pour toujours.

Et l’amertume du Psalmiste
À son tour s’emparait de moi,
Pareille au refrain grave et triste
Que l’on répète malgré soi…

Oui, comme ces herbes fanées
Que la faucille livre au vent,
J’ai vu s’effeuiller les années
Qui s’ouvraient au soleil levant,