accueillait avidement ces nouvelles qui confirmaient ses espérances et les officiers péruviens s’irritaient d’une retraite illusoire qui les privait d’une victoire certaine.
A quatre heures et demie du soir, l’armée chilienne, manœuvrant avec un ensemble parfait, se déployait en colonnes sur les bords du Lurin. A cinq heures, la division Lynch, forte de sept mille hommes, s’ébranle, et, suivant la plage, se dirige vers Villa, à une lieue de Chorrillos. Elle forme l’aile gauche et s’appuie à la mer. La seconde division, sous les ordres du général Sotomayor, longe les plaines sablonneuses de Manchay et marche sur Mesa Tablada, haut plateau, situé au sud-est des retranchemens ennemis et à portée de canon. Entre les deux ailes s’avance la 3e division, commandée par le colonel Lagos. Elle a l’ordre de soutenir la droite de la 2e division et d’arrêter au nord l’attaque de l’aile gauche péruvienne. La réserve et la cavalerie suivent à distance. La marche des colonnes est espacée pour éviter aux troupes la fatigue des nuages de poussière qu’elles soulèvent sous leurs pas. Avant le départ du camp et pour mieux accuser leur résolution de ne pas revenir en arrière, les soldats incendient les huttes de feuillages sous lesquelles ils s’abritent depuis des semaines ; des cartouches abandonnées éclatent par milliers, une fumée épaisse couvre la plaine, dont les herbes desséchées s’enflamment. Les femmes qui suivent l’armée, les malades, les bagages sont cantonnés sur le rivage et gardés par deux compagnies. A dix heures du soir, il ne reste plus trace de campement sur les rives dévastées du Lurin ; l’armée poursuit sa marche silencieuse à travers les plaines sablonneuses éclairées par les pâles rayons de la lune ; sur ce fond blanc, de longues lignes noires de soldats défilent lentement, le sable amortit le bruit des pas et le roulement des caissons ; l’artillerie avance péniblement ; aux passages difficiles, il faut dételer une pièce sur deux pour franchir les mamelons, mais ni la fatigue, ni la soif, ni la poussière suffocante n’arrêtent les soldats. Derrière ces monticules hérissés d’artillerie qui bornent la plaine et qu’ils vont joncher de leurs cadavres, ils ne voient que Lima et ses palais, la fin de la guerre, des marches forcées et l’abondance succédant aux privations.
A minuit, l’armée occupait les positions d’attaque qui lui étaient assignées. On campa sur place. Après une distribution de pain et d’eau, les soldats se couchèrent sur le sable, attendant l’aube et le combat. A trois heures et demie, l’armée était sur pied, mais un brouillard épais lui voilait les lignes ennemies, dont elle était séparée par 4 kilomètres. A cinq heures, cette distance était franchie, le brouillard se dissipe et les batteries péruviennes de Villa ouvrent le feu contre la première division chilienne, qui s’avance en ligne