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toujours admirer, et, de temps à autre, on se plaît à penser comme ce paysan qui en voulait à Aristide parce qu’il était fatigué de l’entendre appeler « le juste. » On ne peut pas éternellement louer sans devenir banal, et je me suis efforcé de ne pas l’être.

Mon lecteur voudra donc bien se rappeler que toutes mes critiques n’auront pas d’autre importance ; elles donneront plus de mouvement au style, que je m’excuse de présenter avec ses imperfections, et qui n’a d’autre ambition que d’être clair.

J’ai cherché à instruire et à plaire, et si, parfois, je me laisse entraîner par le sujet jusqu’à affirmer mon amour pour mon pays, j’en demande pardon d’avance à tous ceux qui aiment leur patrie.

i. —considérations sur la famille

L’institution de la famille est la base sur laquelle repose tout l’édifice social et gouvernemental de la Chine.

La société chinoise peut se définir : l’ensemble des familles.

Depuis les temps les plus reculés, l’influence de l’esprit de famille a prévalu dans tous les ordres d’idées et nous disons, d’après Confucius, que, pour gouverner un pays, il faut d’abord avoir appris à gouverner la famille.

La famille est essentiellement un gouvernement en miniature : c’est l’école à laquelle se forment les gouvernans, et le souverain lui-même en est un disciple.

La différence entre l’Orient et l’Occident est tellement caractéristique au point de vue de l’organisation de la famille, qu’il m’a paru intéressant de donner d’abord une idée générale de cette institution, me réservant d’en détailler plus tard les traits principaux.

J’en esquisse à grands traits les caractères généraux : ce sera comme un croquis dont j’achèverai les contours.

La famille chinoise peut être assimilée à une société civile en participation. Tous ses membres sont tenus de se prêter assistance et de vivre en communauté. L’histoire fait mention d’un ancien ministre, nommé Tchang, qui réunit sous son toit tous les membres de sa famille issus de neuf générations. Cet exemple est cité comme un modèle que nous devons nous efforcer d’imiter.

Ainsi constituée, la famille est une sorte d’ordre religieux soumis à des règlemens fixes. Toutes les ressources viennent se réunir dans une même caisse et tous les apports sont faits par chacun, sans distinction du plus et du moins. La famille est soumise au régime de l’égalité et de la fraternité, — grands mots qui sont inscrits dans les cœurs et non sur les murs.

Chacun des membres de la famille doit se conduire de telle sorte