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vu de l’Autriche ; enfin le prince Guillaume de Hesse, gouvernant le petit duché de ce nom, en qualité de régent, depuis que son frère le landgrave était devenu roi de Suède par son mariage. Celui-là surtout était un aide précieux à ménager, car il était le père d’un des gendres du roi d’Angleterre, et c’était lui qui avait incorporé dans l’armée britannique une légion de six mille Hessois, dont la valeur avait fait bonne figure à la bataille de Dettingue. Le terme de l’engagement de ce corps auxiliaire étant expiré, Guillaume éprouvait quelque hésitation à le renouveler, et ce fut lui-même qui fit entendre qu’on le trouverait disposé à changer de camp, pour peu qu’en lui offrant les mêmes conditions pécuniaires, on y ajoutât l’espérance d’élever à la dignité électorale la couronne ducale dont il devait hériter[1].

Toute la question roulait donc encore ici sur l’argent à trouver et à fournir ; mais elle se présentait dans de tout autres conditions que celles qu’avait proposées impérieusement Frédéric. Autre chose était, en effet, pour la France de prendre à sa charge les frais d’une confédération où elle aurait non-seulement une part ostensible, mais une voix décisive et prépondérante ; autre chose de laisser puiser de confiance dans son trésor pour subventionner en secret une armée dont la direction anonyme cacherait une main suspecte. C’est ce que Chavigny, d’abord dans un long mémoire adressé au roi lui-même, puis dans un voyage rapide qu’il fit à Paris, s’appliqua et réussit à faire comprendre. « Cette ligue, disait-il, de la plus saine partie de l’empire, sous l’autorité de son chef suprême et sous la puissance du roi, serait plus politique que militaire, et son poids serait tout-puissant pour contenir les uns au devoir, y remettre les autres et imposer à tous. » L’objet propre et parfaitement défini serait de forcer la reine de Hongrie à reconnaître l’empereur et à lui restituer ses états, puis à soumettre le reste de ses prétentions à la diète, double hommage rendu à l’autorité qui représentait par excellence le droit germanique. Ces considérations l’emportèrent, non sans peine, à la vérité, sur la résistance de quelques-uns des ministres, en particulier du ministre des affaires étrangères, Amelot, qui, trop heureux de s’être tiré d’Allemagne n’importe à quel

  1. Chavigny à Amelot et au roi, novembre et décembre 1743, passim. (Correspondance de Bavière. — Ministère des affaires étrangères.) — La correspondance de Chavigny, très spirituelle, très animée, est pleine d’intérêt. Je regrette que l’importance relativement secondaire de la négociation dont il était chargé ne permette pas d’en faire de plus longues citations. — Le cardinal de Tencin au maréchal de Noailles, 2 octobre, 31 décembre 1743, 25 janvier 1744. — Mémoires du duc de Luynes, t. V, p. 153. — Le même Luynes dit de Chavigny : « Il faut lui rendre la justice qui lui est due. Outre ses talens supérieurs pour la négociation, il ne m’a pas paru avoir oublié sa naissance. »