apothéoses posthumes par lesquelles on semble vouloir continuer la représentation des obsèques retentissantes de M. Gambetta. Ce n’est vraiment que par un étrange abus de langage que M. le président du conseil, au pied de ce monument de Cahors livré l’autre jour à l’admiration publique, a pu prononcer couramment tous ces mots de génie, de gloire, d’immortalité, sans oublier « l’aigle mesurant du regard, avec un juste orgueil, le prodigieux orbite qu’il a parcouru. » On n’est pas à si peu de frais, quoi qu’en dise M. le président du conseil, un de ces hommes dont le nom se lie « aux grandes douleurs ou aux grandes joies de la patrie, et passe de bouche en bouche, de siècle en siècle, comme un mot d’ordre, comme un drapeau. » Il faut avoir marqué sa vie par d’autres œuvres et avoir rendu d’autres services pour laisser une mémoire qui mérite de devenir un objet de commémoration patriotique, de « piété nationale. » M. Gambetta avait, si l’on veut, droit à un buste ; on lui élève une statue, on le met sur les monumens publics, et comme, pour mieux prouver qu’il n’y a plus que lui dans notre histoire, que tout doit s’effacer devant le « grand homme, » les bons habitans de Cahors se sont empressés de faire disparaître du même coup deux statues qu’ils avaient innocemment élevées autrefois à deux vaillans soldats, Murat et Bessières.
Oui, en vérité, ces bons municipaux de Cahors, si jaloux de l’illustration de leur ville, l’ont décidé ainsi. Bessières et Murât ne comptent plus ! Leurs statues déparaient sans doute la promenade de la vieille cité, qui a dû, elle aussi, changer de nom pour prendre le nom du nouveau triomphateur. Pauvres grands soldats ! C’est bien la peine d’avoir été des héros au cœur d’airain devant l’ennemi, d’avoir parcouru pendant vingt-cinq ans en victorieux tous les champs de bataille de l’Europe, d’avoir conduit les escadrons et les drapeaux de la France à travers le feu, à Marengo et à Austerlitz, à Iéna et à Wagram ; c’est bien la peine d’avoir prodigué sa vie sans mesure, d’avoir versé son sang au service de la patrie, — car on parlait alors aussi de patrie, — et d’avoir été, comme Bessières, emporté par un boulet aux champs de Lutzen ! Ce ne sont là que de médiocres titres pour les républicains du Lot, qui mettent d’autres saints dans leur calendrier. Passez, braves gens, au cœur intrépide qui avez été l’honneur des armées, vos statues sont bonnes à rentrer dans le magasin aux accessoires de Cahors. Effacez-vous, ombres guerrières et faites place au jeune présomptueux qui n’a pas connu le péril, qui n’a jamais risqué sa vie pour le pays, qui a eu tout au plus le mérite d’envoyer au combat de vaillans soldats en les embarrassant assez souvent, dont le titre le plus incontesté est d’avoir fait des discours retentissans ! Deux réflexions auraient pu venir cependant aux organisateurs de ces spectacles et de ces apothéoses. On parle assez souvent de démocratie, on met la démocratie partout. Ces courageux soldats qui ont été les glorieux serviteurs de la France,