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proposé de classification méthodique, parce que l’objet véritable de son ouvrage ne lui en faisait pas une obligation ? Son but, en effet, comme le remarque judicieusement l’éminent naturaliste que nous venons de nommer, n’est pas précisément de faire connaître toutes les espèces différentes d’animaux ; ce qu’il a voulu faire, c’est plutôt encore une anatomie et une physiologie comparées qu’une zoologie proprement dite. Aussi se contente-t-il de quelques grandes divisions, celles qui sont nécessaires à ses comparaisons. En cherchant bien, on trouve qu’il répartit les animaux en deux grandes classes : ceux qui ont du sang et ceux qui n’en ont pas ; puis, dans chacune de ces classes, il distingue des groupes secondaires, déterminés déjà par des caractères remarquablement naturels. Ce sont, semble-t-il, pour les animaux pourvus de sang (vertébrés) : les animaux vivipares, quadrupèdes (ζωοτοκοῦντα ἐν αὐτοῖς), à côté desquels sont placées comme γένος particuliers, les baleines ; les oiseaux ; les quadrupèdes ovipares (τετράποδα ἄποδα ᾠοτοκοῦντα) ; les poissons. — Pour les animaux exsangues (invertébrés) : les mollusques (céphalopodes) ; les crustacés (μαλακόστρακα) ; les insectes, les testacés (ὀστρακοδέρματα, gastéropodes, lamellibranches). Tels sont, d’après M. Claus, les très grands genres d’Aristote ; au-dessous, il admet des grands genres (γένη μέγαλα) D’ailleurs la langue ne lui fournit qu’un vocabulaire insuffisant. Deux mots seulement, γένος et εἶδος à sa disposition pour désigner les nombreux échelons de la hiérarchie animale ; en sorte que ce qui est espèce relativement à un groupe supérieur ou genre, est genre à son tour relativement à des groupes d’importance moindre. Tout cela est nécessairement assez confus, et il n’est pas étonnant que les historiens de la zoologie aient attribué à Aristote des classifications assez différentes. Pourtant le philosophe grec a démêlé avec une singulière pénétration le vrai caractère de l’espèce, celui même qui sert à la déterminer encore aujourd’hui et qui est tiré de la reproduction. « Les hémiones, dit-il, constituent une espèce distincte (dans le genre des lophures), puisqu’ils s’accouplent entre eux et que leur accouplement est fécond. » Et il ne considère comme appartenant à une même espèce que les individus descendus d’ancêtres communs, car il appelle aussi homophyles (de même souche) les individus qui se ressemblent par la forme. Accouplement, fécondité, voilà donc, pour Aristote comme pour nous, les élémens essentiels de la définition de l’espèce.

Mais cette conception si nette devient souvent obscure et flottante. Il admettra, par exemple, qu’en Libye, « où il ne pleut point, les animaux se rencontrent dans le petit nombre d’endroits où il y a de l’eau. Là les mâles s’accouplent avec les femelles d’espèces différentes (μὴ ὁμόφυλα) et ces familles nouvelles font souche