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Une dernière explosion termina tout à coup la lugubre scène. On vit ensuite que la presque totalité de l’île avait disparu, qu’elle avait été disloquée, probablement soulevée en l’air, et que ses débris retombant tout autour avaient pour jamais disparu sous les eaux. À ce moment, une vague immense partait du volcan, et, marchant de l’ouest à l’est, s’engageait dans le détroit ; elle remontait et faisait déborder les rivières, envahissait le rivage, atteignait jusqu’à 50 mètres de hauteur, couvrait les maisons, arrachait les arbres, balayait les plantations et noyait les habitans. Trois fois la vague se retira, trois fois elle revint.

Le volcan lançait vers le ciel une énorme quantité de pierres, de cendres et d’eau. En retombant, ces matières couvraient le pays d’une boue noire : on en recueillit 20 centimètres sur le pont d’un navire ; elle s’attachait aux vêtemens et pénétrait dans les poumons ; elle faisait une nuit si noire que les matelots ne se conduisaient qu’à tâtons ; il tomba jusqu’à 14 pieds de pierre ponce ; la mer en était couverte et l’entrée des ports obstruée. On a remarqué que la chute de ces matières cessa à Batavia un jour avant le retour de la lumière : circonstance remarquable, car elle indique qu’un nuage opaque et persistant s’était formé et se soutenait dans les hauteurs. Laissant de côté la question d’humanité, nous pouvons résumer l’événement au point de vue de la physique générale : de grands bruits, de grands mouvemens du baromètre, de grandes vagues sur la mer, d’immenses nappes de cendres et d’eau lancées vers le ciel.

De pareilles variations dans la pression de l’air ne pouvaient s’éteindre aux lieux mêmes de leur production ; elles devaient se transmettre. Un membre de la Société royale de Londres, M. Scott, remarqua le premier que, vers le mois d’août, le baromètre avait ressenti certaines perturbations tout à fait insolites, consistant en élévations et en affaissemens successifs plusieurs fois répétés ; puis, en relevant les observations météorologiques, il reconnut que les mêmes oscillations avaient été remarquées presque au même moment à Berlin, à Paris, à Londres et à dix autres stations comprises entre Saint-Pétersbourg et Valentia. Il n’en soupçonna point la cause, mais il en inspira le soupçon à un autre météorologiste, le général Strachey. Ce dernier comprit aussitôt que des manifestations si générales et presque simultanées devaient avoir une cause unique, quelque événement grave survenu en un point du globe à un moment déterminé : ce point ne pouvait être que Krakatoa ; cet événement, que les brusques changemens de pression que l’on avait constatés pendant les explosions. Le calcul justifia ces prévisions. La pression s’était transmise de proche en proche,