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entre les deux directions, les effets se combinent et la teinte devient en montant orangée, jaune, verte et enfin bleue. À mesure que le soleil s’enfonce, la terre porte vers l’orient une ombre que l’on voit peu à peu s’élever sur les collines, sur les montagnes, sur les nuages, et comme les derniers rayons ont rasé la terre dans la couche la plus trouble, les dernières lueurs sont les plus rouges ; de là les clartés pourpres des plus hauts sommets et des derniers nuages, qui s’éteignent tout à coup quand l’ombre les envahit.

Il n’y a rien de plus à dire sur la théorie, mais il y a des conséquences à en déduire. La marche du soleil étant parfaitement connue, l’astronomie permet de calculer le nombre de degrés dont le soleil est enfoncé sous l’horizon au moment précis où la dernière lueur abandonne une montagne ou un nuage, et tout le monde comprend, sans en connaître le détail, qu’on puisse, par une simple triangulation, calculer la hauteur de cette montagne ou de ce nuage. De même, s’il y avait à l’horizon, vers le couchant, un mât assez élevé pour atteindre les dernières couches de l’atmosphère, on verrait l’ombre y monter, on mesurerait l’heure où elle atteindrait le sommet et l’on pourrait calculer sa hauteur, c’est-à-dire celle de l’atmosphère. Ce mât n’existe pas et ne peut exister, mais l’air existe. Tant qu’il est éclairé, c’est qu’il reçoit encore les rayons du soleil ; au moment où il cesse de l’être, c’est que ces rayons l’ont dépassé. On voit que le moment où cesse le crépuscule dans une direction déterminée permet de calculer la hauteur de l’air, ou du moins la hauteur à partir de laquelle il est trop raréfié pour produire aucune diffusion. C’est à peu près ainsi qu’a procédé Bravais ; il a trouvé environ 30 lieues et, comme le diamètre de la terre en mesure 3,000, on peut dire que l’enveloppe gazeuse n’est que la centième partie de l’épaisseur terrestre : c’est une pellicule ou, comme le dit Tyndall, un vêtement peu épais dont la terre s’est drapée pour se tenir chaude.

Ces dernières lueurs vont nous rendre un autre service encore. Pour le faire comprendre, imaginons qu’on regarde vers le ciel dans la direction de cette belle planète qui accompagne souvent le soleil couchant et qui est Vénus, ou l’étoile du Berger. On ne la voit pas pendant le jour parce qu’il y a dans sa direction une infinité de couches d’air qui toutes nous envoient de la lumière diffusée, qui toutes sont visibles à la fois, se masquant mutuellement, et que la superposition de toutes ces lumières dissimule l’étoile. Mais lorsque le soleil descend et que l’ombre crépusculaire s’élève, elle éteint successivement l’illumination de toutes les couches, en commençant par les inférieures, qui étaient les plus éclairées. Peu à peu, l’étoile prend le dessus et devient visible. Il en est de même