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atmosphérique, il passe du bleu au vert, au jaune, à l’orangé et finalement au rouge.

Je dois ici combattre une opinion que j’ai longtemps partagée et dont j’ai reconnu l’inexactitude. La couche trouble est celle qui contient non-seulement le plus de poussières, mais aussi le plus de vapeur d’eau. On en avait conclu sans preuves que cette vapeur était la cause de cette coloration. Aucune expérience n’est venue confirmer cette hypothèse ; loin de là, les expériences de M. Lockyer, celles qui, sous son inspiration, ont été exécutées dans l’Inde, celles qu’on doit à M. Janssen, tendent à montrer que la vapeur d’eau éteint l’extrémité rouge du spectre au profit de l’extrémité bleue. En résumé, le haut du ciel est bleu, la couche trouble est rouge, c’est elle qui colore à l’horizon les nuages et les sommets des montagnes, qui met la couleur dans le paysage et les effets de lumière dans le ciel : on peut la nommer chromosphère terrestre.


IV.


Nous pouvons aborder maintenant l’étude du crépuscule. Pour la bien comprendre, il n’est pas inutile de se remettre en mémoire les brillans aspects du ciel, au couchant, par un beau soir d’été. Le soleil vient de disparaître, mais ses derniers rayons éclairent encore le sommet des montagnes ; tout le ciel les reçoit, toute la masse de l’air nous les renvoie et garde une illumination qui, peu à peu, décroît jusqu’à faire insensiblement place à la nuit. Cette lente transition du jour à l’obscurité est le crépuscule. C’est un des plus simples phénomènes de la nature, car il procède d’une cause unique, la diffusion par l’air, — par l’air qui reste éclairé et visible quand le soleil ne l’est déjà plus. Si la terre n’avait pas d’atmosphère, elle n’aurait point de crépuscule ; sur la lune la nuit se fait brusquement sans transition ni couleur. Au matin, l’aurore montre, en sens inverse, les mêmes accidens que le crépuscule.

C’est alors que le ciel développe ses plus magiques clartés, que chacun admire et que les savans observent. Lambert, qui fut un opticien célèbre, ne se lassait pas d’en suivre les phases. Biot les étudia plutôt en astronome qu’en physicien ; puis Bravais, qui était l’un et l’autre, passa près d’un mois sur le Faulhorn, à 2,683 mètres d’altitude, pour voir lever l’aurore et en suivre les progrès, qu’il était facile de prévoir. À l’horizon, les rayons traversent la chromosphère dans sa plus grande longueur et dans la partie où elle est le plus troublée : ils sont rouges. Au zénith, ils ont voyagé dans la couche claire et sont diffusés avec leur couleur bleue ;