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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

La liquidation de fin mars a été le point de départ d’une modification profonde dans les tendances, comme dans les allures de notre marché. Cette modification s’était annoncée dès le mois dernier par une intervention active et persistante des capitaux de placement. Sous cette action continue, les cours des rentes et d’un certain nombre de valeurs s’étaient déjà relevés; mais la spéculation, tant de fois déçue, n’a d’abord suivi qu’avec une circonspection très hésitante les indications que lui fournissait le marché du comptant.

Tandis que se prolongeait cette incertitude, les marchés allemands se mettaient hardiment à la hausse; des achats considérables relevaient partout le niveau des fonds d’état et favorisaient l’essor du crédit en Allemagne, en Autriche-Hongrie, en Italie, en Espagne. Le marché de Londres seul, avec le nôtre, continuait à se montrer réfractaire. Mais le mois d’avril a vu ces deux places se joindre enfin au mouvement général. Les vendeurs ont compris dès la réponse des primes quel danger les 4enaçait; le 3 1/2 atteignait 107 francs; le jour de la liquidation, les reports n’ont pu dépasser le taux moyen de 3 à 3 1/2 pour 100. Tous les capitaux disponibles n’ont pu être employés. Des banquiers se sont décidés à commencer des achats dans le même moment que les baissiers se résignaient à racheter. Il faut donc, dans la hausse actuelle, faire la part de la progression brutale due aux rachats forcés du découvert. Si favorables que soient les changemens survenus dans la situation générale, ils ne sauraient justifier une hausse de près d’une unité et demie sur nos rentes en moins de quinze jours. Il n’y a pas à craindre jusqu’ici, toutefois, que la rapidité du mouvement en compromette sérieusement la solidité. Si la spéculation a la sagesse de modérer désormais son allure, il ne se produira point de réaction considérable, à moins d’événement tout à fait imprévu. L’amélioration du marché sert, en effet, trop bien les intérêts de la haute banque et des établissemens de crédit pour qu’ils ne fassent pas les efforts nécessaires en vue du maintien du progrès accompli. Presque toutes les émissions faites dans ces derniers temps ont réussi. Il y a partout accumulation d’épargne, et il suffirait, sans doute, d’une prudente direction pour que l’esprit d’entreprise se réveillât de la longue torpeur qui a été la conséquence du krach de 1882.

Les fonds étrangers avaient en général précédé les nôtres dans la voie de la hausse. Ils ont bien maintenu leurs cours pendant cette