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REVUE LITTÉRAIRE

LE GÉNIE DANS L’ART.

Essai sur le génie dans l’art, par M. Gabriel Séailles. Paris, 1884; F. Alcan.

Comme il faut se hâter, dit-on, d’employer les remèdes pendant qu’ils guérissent encore, il est bon aussi de se presser de traiter les questions pendant qu’elles sont toujours à la mode. Tel est bien le cas, si nous ne nous trompons, de celle que nous voudrions effleurer aujourd’hui. La curiosité des psychologues et des esthéticiens, éveillée de tout temps sur les conditions mystérieuses qui président à la production de l’œuvre d’art et à l’apparition du génie, semble en effet s’y être fixée, depuis quelques années, avec un redoublement d’intérêt et d’attention. C’était naguère un professeur de Sorbonne, M. Henri Joly, qui nous donnait une Psychologie des grands hommes; c’était plus récemment M. Sully Prudhomme, qui, dans son livre sur l’Expression, traitait de la psychologie de l’artiste autant que de l’expression même; c’était hier enfin un jeune philosophe, M. Gabriel Séailles, qui reprenait le problème à son tour, dans un brillant Essai sur le génie dans l’art... On pourrait remplir une page avec les titres seulement des livres où vingt autres ont cherché, eux aussi, le secret du génie, mais ces indications peuvent suffire, et la place nous est trop précieuse pour la perdre à de telles énumérations.


L’Essai de M. Séailles est d’un métaphysicien à la fois et d’un poète, souvent obscur, mais toujours brillant, hérissé de formules et débordant de métaphores, un hymne, pour ainsi dire, en même temps et autant qu’une thèse. J’observerais à ce propos que cette confusion de genres et cette bigarrure de styles sont assez en faveur auprès de nos jeunes philosophes, si ce n’était aussi bien la tradition toute pure de la grande