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pas échapper une occasion de lui être utile ou agréable. En 1597, quand César d’Este, secrètement appuyé par l’Espagne, eut mis la main sur le duché de Ferrare, compris dans les états de l’église, Henri IV offrit au saint-siège l’épée de la France, et le duché fut aussitôt rendu. De son côté. Clément VIII proposa trois fois sa médiation pour terminer la guerre que la France soutenait contre l’Espagne et fit présider par un légat les conférences qui aboutirent à la paix de Vervins. Plus tard, il accueillit la prière du roi, qui voulait faire annuler son mariage avec Marguerite de Valois, et la sentence de cassation fut prononcée quelques mois après avoir été sollicitée. Henri IV n’eut pas de moins bons rapports avec Paul V et fit tourner à l’avantage du saint-siège le différend qui survint, en 1607, entre le pape et la république de Venise. On finit par élever au vainqueur de Coutras, sous le portique de Saint-Jean-de-Latran, une statue sur laquelle on grava cette inscription : Propugnatori ecclesiœ! Le Béarnais ne méritait peut-être pas cet excès d’honneur; mais il est évident que les papes de cette époque, mêlés aux plus importantes négociations diplomatiques et à tous les grands événemens dont l’Europe était le théâtre, appréciaient les desseins de Henri IV comme nous les apprécions nous-mêmes. Quoiqu’ils le vissent s’appuyer sur la plupart des états protestans, ils jugèrent que son système d’alliances était conçu dans un intérêt exclusivement français, non comme une œuvre de prosélytisme calviniste. C’est ainsi que Paul V, au lieu de lui reprocher l’affranchissement des Provinces-Unies, le remercia (Z4 août 1609) d’y avoir pris en main la cause des catholiques. Le même pape avait fini par entrer dans le « grand dessein ! » Uni contre les Espagnols avec toute l’Italie, il favorisait leur expulsion du Milanais, de Naples, de la Sicile, et le roi de France lui transmettait, pour prix de ce concours, les anciens droits de sa couronne sur le royaume de Naples.


Tel fut ce règne. Henri IV ne fut pas un conquérant comme son petit-fils. Cependant, en quelques années, il avait fait de ce pays le premier de l’Europe. Richelieu et Mazarin n’eurent qu’à recueillir son héritage en profitant de ses leçons. La France était, à son avènement, divisée en deux partis qui formaient comme deux nations rivales, résolues à s’exterminer. Il reprit à un nouveau point de vue l’œuvre de ses premiers ancêtres, qui avaient réuni les tronçons de la France féodale. Il fonda pour la seconde fois l’unité nationale en composant de ces peuples ennemis un seul peuple. Pour atteindre ce but, il oublia ses propres injures et ferma, par son exemple, la bouche à ceux qui voulaient venger les leurs; il sacrifia le roi de Navarre au roi de France. Après avoir beaucoup choqué les deux partis, il en