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écoute le Persan amoureux, comme Lalla-Rookh put jadis dans des conditions presque semblables, écouter Feramorz, qui certes n’avait pas plus d’esprit que ce marchand de diamans de Delhi. Le campement est situé près du futur champ de carnage, sur la lisière des jungles; rien n’y manque : les tentes nombreuses représentent fort commodément chambres à coucher, cuisines, salle à manger munie d’un auvent ou connât, cabinets de toilette et de bain. Catherine retrouve ses tapis, ses petites tables et même quelques-uns de ses livres. Un dîner est servi, qui ferait honneur au meilleur hôtel, Kildare, en attendant qu’il ait abattu le premier tigre, raconte, avec l’exagération irlandaise, ses aventures dans l’Afrique méridionale, d’où revient le régiment dont il fait partie; Isaacs répond par le récit de certain combat corps à corps dans lequel un homme qu’il connaît a tué son tigre d’un coup de revolver tiré à longueur de bras.

— Ah oui ! répond le receveur des contributions, qui n’a pas encore retenu les noms de toutes les personnes présentes ; on en a beaucoup parlé il y a deux ans; c’était un M. Isaacs, de Delhi. Tout le monde rit, miss Westonhaugh est émue, Isaacs ennuyé. Il échappe à l’ovation en proposant un peu de musique pendant que les hommes fument autour de la blanche miss qui aime l’odeur du cigare, et, toujours, comme le roi déguisé de Boukharie il chante en s’accompagnant d’une guitare qui se trouve parmi ses bagages, des chansons d’amour tendres d’abord, dans le genre de celles que nous ont fait connaître les notices sur la poésie persane de sir Gore Ousely, puis si passionnées que personne n’ose plus les traduire, et que miss Westonhaugh elle-même, quoiqu’elle ne comprenne pas le persan, se garde bien d’en demander la signification. Isaacs a la plus délicieuse voix de ténor, et les vibrations profondes, douces et brûlantes tout ensemble de cette voix enchanteresse ont leur effet à la clarté des étoiles qui brillent comme elles ne savent briller que dans l’Inde. Kildare enrage naturellement; mais c’est un cœur loyal, franc au tennis, franc dans les steeple-chases, franc en amour : la lutte qui s’engage entre lui et le Persan sous les yeux de la belle qu’ils se disputent fait honneur à l’un et à l’autre, Ils y apportent : celui-ci, sa droiture britannique, celui-là, un sentiment chevaleresque plus raffiné qui finit par lui gagner l’estime et l’amitié même de son rival.

Voilà donc la vie anglaise organisée dans cette solitude : on prend le thé. Isaacs fait venir des roses à prix d’or dans l’intervalle des chasses. Lord Steepleton Kildare s’est couvert de gloire en abattant une jeune tigresse qui, blessée au premier coup, avait bondi jusque sur la tête de l’éléphant qu’il montait. Comme miss Westonhaugh est belle sous le chapeau léger en forme de casque