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de Bombay, John Westonhaugh, frère de Catherine, un grand seigneur irlandais, Steepleton Kildare, un journaliste yankee, Griggs, un Persan millionnaire, Isaacs, et Bradamante, reine de la fête, avec l’escorte voulue, naturellement.

Nous suivons dans l’Himalaya les tongas qui emportent nos amis. La tonga est l’ancien chariot de guerre persan, modifié de façon à laisser trois personnes s’y asseoir dos à dos. Muni d’un long fouet à manche court, le cocher pousse grand train au bord des précipices ses chevaux à peine harnachés, en avertissant au moyen d’une corne les voitures qui viennent en sens inverse que le chemin ne comporte pas deux tongas de front. Tous les cinq ou six milles, on change de chevaux, et à travers des tourbillons de poussière, on atteint Kalka pour y prendre le dâk-gharry, une voiture de poste arrangée de façon à ce que vous puissiez, la nuit, vous y étendre, car elle se prolonge sous le siège du cocher de façon à laisser de la place aux jambes. La différence de température est énorme entre Simla et les plaines, qui fument encore des dernières pluies. Aussi a-t-on eu soin de joindre aux paniers de provisions assez de glace pour que les boissons restent fraîches. Tout paraît arrangé en vue du plus grand confort. Les voyageurs arrivent sans trop de fatigue le lendemain à Fyzabad, dans le royaume d’Oude, où ils sont rejoints par des guides et des shikarries (chasseurs indigènes), chargés de les avertir qu’il y a des tigres près de la station voisine de Pegnugger, où les éléphans attendent. Le trajet de Fyzabad à Pegnugger n’est ni long ni difficile. On envoie d’avance pour tout préparer ces admirables domestiques indous à qui, en quelque lieu que l’on soit, il suffit de dire : « Allez et attendez, » pour les retrouver avec leur petit paquet où rien de ce qui est nécessaire à vos besoins n’a été oublié ; jamais ils ne cassent ni ne perdent le moindre objet. Comment se sont-ils transportés? C’est un mystère. N’importe, ils sont là, toujours propres et sourians à l’heure dite. Les engins de campement, tentes de toutes sortes, fusils de tous calibres, armes variées, vivres, ustensiles de cuisine, etc., attendent donc à Pegnugger, où s’est l’assemblée la masse des chasseurs, des indigènes chargés de la battue, etc. Le receveur des contributions de cette localité, un tout petit homme qui, juché sur son éléphant, a l’air d’un champignon, grâce au grand chapeau qui l’abrite, est un des plus fameux tueurs de tigres de la région ; un vieux shikarry barbu montre sur sa poitrine brune les marques ineffaçables qu’y ont imprimées autrefois les griffes d’une de ces terribles bêtes, et les récits de chasse commencent pour ne plus s’interrompre. Par les soins d’Isaacs, tout a été organisé de telle sorte que jamais semblable équipée ne se sera vue depuis le voyage du prince de Galles, Du haut de son éléphant, miss Westonhaugh